Thursday, 29 April 2010

Les politiciens anglais à l’école française

C’est étonnant de voir à quel point les Anglais apprennent à faire leur politique chez les Français.

En pleine effervescence électorale ici, on voit bien que le chef de file des Conservateurs, David Cameron, est allé faire son apprentissage chez Sarko-le-Grand. Toute sa politique se résume en un seul point : il préfère que ce soit lui qui gagne et que tous les autres perdent. Pour atteindre son but il promettrait n’importe quoi à n’importe qui, et il est prêt à changer radicalement de politique – de 180 degrés, si ce n’est, quelques jours plus tard, 360. Il laisse l’impression qu’au pouvoir il ne ferait strictement rien et, en plus, c’est mieux comme ça. Exactement comme Sarko, en fait.

Quant à Nick Clegg, à la tête du parti Libéral-Démocrate, c’est la grande découverte de cette campagne. Depuis les années vingt, son parti traîne en troisième position, réduit aux années soixante au ‘parti Libéral de taxi’ avec six députés qui auraient tous pu monter en un seul taxi. L’innovation de ces élections c’est une série de débats télévisés à l’américaine, entre leaders des trois grands partis. On se plaignait que notre système parlementaire devenait de plus en plus présidentiel, et ces débats n’ont qu’accéléré ce processus. Lors du premier débat, à l’étonnement de tout le monde, lui le plus de tous, c’est Clegg qui est sorti gagnant. Depuis son parti est en deuxième position dans les sondages, avec 30% des intentions, devançant le parti Travailliste de l’actuel gouvernement.

Clegg c’est Bayrou, les Libéraux-Démocrates sont le Modem. A cette différence près : eux ils ont bossé leur percée depuis des décennies, au lieu d’y consacrer que dix mois, et ils risquent de la réussir.

Quant à Gordon Brown, l’actuel Premier Ministre et leader pro tem du Parti Travailliste, il a évidemment perfectionné sa technique dans l’école de Rachida Dati. Il s’est comporté très bien avec une dame qui l’avait interpellé dans la rue hier, en restant courtois, même souriant – et ce n’est pas facile pour lui, qui a toujours l’air de manquer un peu de pratique quand il essaie de sourire. Il monte en voiture. Et il se laisse aller en injures envers cette dame, la traitant entre autres choses de vieille bigote – en oubliant que son micro était resté attaché à sa veste et était toujours ouvert. C'est du pur Dati.

Quel beau cadeau pour la presse. ‘La honte du pays’ criait un des quotidiens soi-disant populaires de ce matin, en traitant Brown d’hypocrite.

Il paraît qu’en Angleterre on croit que ces politiciens qui sourient tout le temps sont sincèrement épris des électeurs qu’ils croisent sur leur chemin. Aucun d’entre eux ne se plaint jamais après de ces gens minables, bêtes et – qui sait – bigots.

En tout cas, il doit y avoir pas mal de députés travaillistes qui depuis hier soir comprennent que le moment est arrivé de se chercher un autre travail, et en veulent à Brown. Brown lui-même doit se dire que la porte du numéro 10 Downing Street va bientôt se fermer derrière lui. Au moins cela lui donnera le temps de décider si c’était vraiment judicieux d’aller apprendre son savoir vivre politique chez Rachida.

Sunday, 25 April 2010

Le Niqab de Nantes : les choses qui comptent

Quel soulagement d’apprendre que pour la première fois la police française a agi contre le délit de conduite en état d’affichage de croyance islamique : une Nantaise qui conduisait en Niqab a écopé d’une amende de 22 euros.

Dans un pays comme la France où la criminalité est en voie de disparition, il était temps de trouver autre chose pour occuper les journées de la police. Quoi de mieux que de se pencher sur une question d’une importance primordiale qui devrait nous agiter tous, comme les coutumes vestimentaires des femmes dans les communautés minoritaires ?

C’est la course en ce moment entre l’Italie, la France et la Belgique pour savoir lequel serait le premier pays à interdire entièrement le port du voile islamique. Voilà des gens qui comprennent l’urgence de certaines questions centrales de notre époque. Ayant résolu le problème du chômage, de l’inflation, de l’endettement publique, de la crise financière, qu’est-ce qu’ils auraient de mieux à faire que d’emmerder les musulmans ? Il semble qu’en Belgique, par exemple, jusqu’à trente femmes portent régulièrement le voile islamique. Un problème social d’ordre fondamental, quoi.

Nous aussi, en Angleterre, nous nous occupons du problème de l’intégration des communautés minoritaires. Par exemple, ‘UKIP’ – le soi-disant parti de l’indépendance du Royaume Uni – vient de distribuer un dépliant montrant le visage d’un Amérindien et le slogan ‘il ne voulait pas s’occuper de l’immigration. Aujourd’hui il vit dans une réservation.’



UKIP contribue aux bonnes relations entre communautés anglaises

J’adore. Si seulement les Sioux avaient légiférer contre l’immigration anglaise. Ils auraient peut-être pu interdire le port d’habits et chapeaux noirs. Ils auraient pu installer des postes frontières et refuser l’entrée aux pèlerins du Mayflower. Je les vois bien : ‘Désolés, Messieurs Dames. Vos papiers ne sont pas en ordre. Veuillez rentrer chez vous et demander l’autorisation de débarquement en Amérique du Nord par les moyens prévus par la loi.’

Et aujourd’hui les Etats Unis parleraient Sioux. Et il n’y aurait plus de problème d’intégration des communautés dans leur grand continent.

Heureusement que des gens si éclairés, si sensibles aux besoins des autres, s’occupent des grandes questions difficiles de notre époque.

Tuesday, 13 April 2010

Fin de règne en France et en Angleterre

Intéressant que Pierre Moscovici estime qu'il existe une ambiance de fin de règne en France en ce moment. Je lui souhaite plein de bonnes choses, mais je crains qu’il ait sous-estimé la capacité de rebondir de Sarko-le-grand, surtout quand il s’agit de sa survie politique ; également, il a peut-être sous-estimé la capacité d’autodestruction du Parti Socialiste de Moscovici même

Par contre, ici en Angleterre, l’atmosphère de fin de règne imprègne tout.

Depuis longtemps je dis à tous ceux qui veulent m’écouter – et à pas mal d’autres qui préféreraient ne pas m’entendre – que si au début de la phase finale de la campagne électorale, les Travaillistes n’étaient qu’à moins de 4 points d'écart des Conservateurs, tout serait en jeu : en Angleterre, il y a un effet de retour vers le gouvernement dans les derniers jours d’une campagne qui vaut bien 4 points. Mais, même si un des sondages les mettait à 4 points près de leurs adversaires, les autres affichaient plutôt 6 à 10. Tout peut bien se produire pendant la dernière ligne droite, et les sondages sont tres volatiles en ce moment, mais pour l’instant les choses vont plutôt mal pour Gordon Brown.

Au point où il y a des moments où les dirigeants travaillistes semblent avoir déjà un peu jeté l’éponge. Lors d’une conférence de presse dimanche dernier – et évidemment personne ne veut faire des conférences de presse le dimanche – le gouvernement n’a trouvé aucun membre du Cabinet (équivalent du Conseil de Ministres) pour le représenter – donc pas de ‘Secretary of State’ (équivalent d’un Ministre), que des ‘Ministers’ (équivalents, évidemment, d’un secrétaire d’état).

Ed Balls, ‘Minister’ des Ecoles, faisait un discours, et sa femme, Yvette Cooper, ‘Minister’ des Retraites et de l’Emploi, l’écoutait (théoriquement) avec Liam Byrne, ‘Minister’ au ‘Treasury’, le Ministère des Finances.

C'est compliqué, tout ça, n'est-ce pas ? Si seulement les Français pouvaient se résoudre à parler anglais comme tout le monde.

Tout à coup, les journalistes présents (pas très nombreux) voient Cooper glisser à Byrne un mot scribouillé sur un bloc notes, tout comme une petite écolière mal élevée. Un photographe réussit à prendre en photo le bloc à la fin de la conférence – qui d’ailleurs se termine avant l’heure prévue et après seulement trois questions de la part des journalistes. Et le message semble bien confirmer l'impression de conduite digne d'une lycéenne.

‘C’est la Ligue 2 aujourd’hui, c’est sans doute à cause de ça qu’on nous permet de faire ça,’ avait-elle écrit a son voisin de classe.

Et Byrne répond : ‘Eh, oui, c’est comme si ils nous permettaient de jouer dans le bac à sable.’

Voilà ce qui s’appelle une vraie ambiance de fin de règne.