Monday 21 December 2009

Les Aléas d'Eurostar – et de Silvio

Quelle affreuse histoire, celle des passagers d’Eurostar bloqués pendant des heures entre vendredi et samedi à cause des intempéries. Et encore aujourd’hui, lundi, le service a été perturbé – même si on est arrivé au solstice, le grand tournant de l’hiver, et on se dirige à nouveau vers l’été.

Le pire de cette histoire c’est qu’on ne sait pas au juste ce qui a provoqué la difficulté. Côté anglais, Eurostar a annoncé que c’était à cause de la différence de température entre l’extérieur et l’intérieur du tunnel. Curieuse explication. Est-ce qu’aucun ingénieur ne s’était douté qu’une telle différence puisse se produire ? Est-ce qu’ils n’ont travaillé que l’été ? Le Times de Londres remarque à juste titre que ‘les ingénieurs auraient dû anticiper ces problèmes’, et même Nicolas Petrovic, directeur adjoint d’Eurostar – basé en France, lui – a déclaré ‘Nos trains, depuis quinze ans, sont préparés pour ça puisqu'on a de la neige régulièrement et généralement, on n'a pas de problèmes’. Eh, oui. Ces flocons blancs qui descendent du ciel – ce n’est pas tout à fait sans précédent à cette saison.

On a donc deux explications possibles des événements : l’incompétence des ingénieurs ou l’ignorance des certains cadres d’Eurostar, incapables d’expliquer le problème. A vous le choix.

Autre aspect curieux de cette affaire pitoyable : des rumeurs circulent que si 2000 personnes sont restées bloquées dans le train, une au moins a pu s’en sortir. Il paraît que Claudia Schiffer vit à Londres et prend souvent l’Eurostar pour aller travailler chez L’Oréal à Paris. Selon les rumeurs, ce jour là elle était bloquée avec les autres mais une voiture est venue la chercher, directement à côté du train. Il paraît que si la patience est une vertu, la beauté triomphe de tout. Celle d'une belle femme ou peut-être d'un beau portfeuille.

Pour ma part, ce qui m’inquiète le plus dans cette histoire c’est son côté symbolique, concernant les rapports entre la France et l’Angleterre. Il semble qu’ils marchent relativement bien tant que tout est au beau fixe, mais dès que l’atmosphère se dégrade, les liens se cassent à nouveau.

C’est la tragédie historique de nos deux pays. Et quel lamentable destin pour la France de se trouver isolée de cette manière.


Postscriptum sans rapport : le pauvre Berlusconi, qui est en train de se remettre de l’agression dont il a été victime, déclare que l’atmosphère de haine dans son pays exerce une influence déplorable sur les faibles d’esprit. Il a raison de réclamer qu’on fasse le possible pour atténuer cette haine ; par contre, j’ajouterai qu’il faudrait à l’avenir faire tout pour empêcher les faibles d’esprit d’arriver au poste de premier ministre.

Wednesday 16 December 2009

Exilée de Paris, elle s’ennuie

Eh, oui. C’est désolant. Elle s’ennuie la pauvre Rachida Dati. La vie de député du parlement européen ne l’enthousiasme pas. Et malheureusement elle en parle un peu trop ouvertement – un peu trop, surtout, lorsque elle porte un micro allumé.

Et pourtant – à quoi s’attendait-elle ? Elle croyait peut-être qu’en l’envoyant à Bruxelles Sarko-le-Grand tenait à lui faire un cadeau ? Pour la récompenser de quoi ? De sa compétence en tant que ministre ? De sa discrétion ?

Hélas, non, Rachida. C’était une punition. Pour t’apprendre à te taire. Et voilà qu’on recommence à parler de toi – même dans les journaux anglais, et Dieu sait qu’on ne s’intéresse pas autant que ça aux faits divers français de ce côté-ci de la Manche :

Guardian: Rachida Dati

Ce n’est pas ainsi qu’elle se fera pardonner et ramener à Paris, à la belle vie, aux soirées magnifiques, aux photographes, aux chaînes de télévision. Eh, non. En criant si fort qu’elle s’ennuie, Rachida ne s’attire que des ennuis supplémentaires.

Ceci dit, je la comprends quand même. Mon père et sa famille ont grandi à Bruxelles, j’ai des cousins qui y habitent toujours, mais je dois avouer que de toutes les capitales européennes que je connaisse, c’est celle que j’ai toujours trouvée la plus morne. Comme pour Rachida, pour moi c’est une ville ennuyeuse.

Par contre, pendant dix semaines par an le parlement européen se réunit à Strasbourg. Cela devrait compenser le temps perdu à Bruxelles.

Car a Strasbourg, il n’y a que les ennuyeux qui s’ennuient.

Monday 14 December 2009

La listomanie

Depuis quelque temps, le souhait des listes, innocent en lui-même innocent, est devenu presque obsessif dans le monde anglo-saxon. On a les cent meilleurs films de tous les temps, les plus grands sportifs, les meilleurs romans de l’année, de la décennie voire du siècle, et ainsi de suite. Ce sont en général des revues ou des émissions qui publient ces listes, mais de temps en temps elles consultent leurs lecteurs ou spectateurs avant, et c’est eux qui élisent les noms qui y figurent.

C’était le cas, notamment, de la liste des plus grands personnages de l’histoire britannique, intéressante uniquement par sa prévisibilité : les téléspectateurs n’ont choisi ni celui qui est devenu l’un des plus grands poètes du monde, Shakespeare, ni l’un des plus grands scientifiques de tous les temps, Newton, ni même un des principaux bienfaiteurs de la race humaine, l'inventeur de la vaccination Edward Jenner, dont certains disent toujours que personne n’a sauvé plus de vies que lui.


Non, ils ont bien sûr choisi Churchill, préférant le leader de guerre, même s’il a été à l’origine de plusieurs décisions militaires désastreuses : dans la première guerre, le débarquement à Gallipoli qui s’est soldé par un échec total après avoir coûté la vie à 131 000 hommes ; dans la deuxième, le débarquement à Narvik qui a coûté sa liberté à la Norvège et le débarquement (décidemment, c’était un vrai récidiviste) en Italie, début d’une campagne de presque deux ans qui n’était toujours pas venu à bout des Allemands à la fin de la guerre : Kesselring défendait encore des positions sur le versant italien des Alpes.

Mais ‘100 Greatest Britons’ est déjà vieux – c’était une série de la BBC qui date de 2002. Depuis on a eu de plus en plus de listes, surtout en fin d’année ; là, en fin de décennie, nous allons en baver. Dernièrement, on a même eu des listes de listes – les dix listes les plus intéressantes de la décennie, etc.

En général, j’essaie de ne pas faire attention à tout cela. Mais j’ai quand même été frappé par une liste récente – celle de la revue américaine, Forbes, des 67 personnes les plus puissants du monde. Pourquoi 67 ? C’est un personnage par 100 million d’habitants de la Terre.

En tête de liste se trouve, bien sûr, Barack Obama. On ne peut contester sa puissance, comme le prouvent quotidiennement les Talibans en Afghanistan. Ensuite paraît le président Chinois, dont la renommé est démontrée par le fait que je ne me souviens pas de son nom. En troisième place, il y a Vladimir Poutine, qui a tant de puissance qu’il doit la cacher derrière le poste de premier ministre, d’où il tire les ficelles du président pantin Medvedev.

Et en quatrième place ? Evidemment, Sarko le grand. Eh, ben, non. C’est Ben Bernanke chef de la banque centrale américaine. Ensuite il y a tout une série d’hommes d’affaires, hommes des médias ou papes (ben, un seul de ces derniers), avant qu’on n’arrive au premier politicien Européen, à la douzième place. Et ce n’est toujours pas Sarko : c’est Belusconi, grâce à sa position de premier ministre, roi en voie de fabrication et chef des médias. Angela Merkel est à la place 15, Kim Jong Il, dictateur de la Corée du Nord à la 24. Osama bin Laden est numéro 39 et deux places plus loin, Joaquín Guzmán, narco-trafiquant mexicain.

Quoi, un trafiquant de drogues avant notre grand Président ? Hélas oui. Il n’arrive qu’en 56ème position. Même Gordon Brown, qui ne figurera certainement pas dans la liste l’année prochaine, est à la place 24. Et le plus navrant ? A la place 47, neuf places avant Sarko, se trouve – Dominique Strauss Kahn.

Quelles bêtises que ces listes. J’ai honte d’y avoir passé autant de temps.

Monday 7 December 2009

Sarko victime de la mésente cordiale

Qu’est-ce qu’ils peuvent être pénibles ces Anglais !

Ils ont décidé de bouder le grand Sarko qui avait prévu de faire une visite éclair à Londres cette semaine. Après tout, avec la livre où elle est, c’est vraiment le moment de faire ses courses de Noël à Regent Street ou Piccadilly.

Et les Anglais ont dit ‘non’. Il paraît qu’ils ne sont pas contents, eh non, pas contents du tout, des propos de Sarko au sujet de la victoire française sur le système financier ‘anglo-saxon’, suite à la nomination de Michel Barnier comme nouveau Commissaire européenne.

‘Si c’est comme ça,’ semblent dire ces gens si mal-élevés de Downing Street, ‘vous ne viendrez pas prendre votre tasse de thé et vos scones avec notre Gordon national.’

Evidemment, tout haut ils l’ont exprimé autrement : ils ont eu la fausse délicatesse de chercher comme excuse l’emploi de temps prime-ministériel surchargé. En fait, c'est en rajouter puisque personne n'est dupe d'un tel prétexte : pour Sarko-le-Grand, on trouve toujours un créneau dans un agenda, surchargé ou non.

Hélas, on ne peut conclure que c’est encore une triste page de l’histoire de la mésentente cordiale qui tourne.

Sarko est contraint à abandonner son projet de visite à Londres et devra se contenter de voir le Président du Bénin à la place. Triste sort. Cela me fait penser à un vieux couplet du temps des esclavagistes :


Beware, beware the Bight of Benin:
One comes out where fifty went in

(Attention, attention à la Baie du Bénin : un seul revient où cinquante sont entrés).

Et le plus triste ? Il ne s’agit même pas d’un anglais qui tourne le dos ainsi à Sarko. Gordon Brown est Ecossais. Et si même les Ecossais, avec leur ‘Auld Alliance’, leur vieille alliance avec la France (et contre l’Angleterre) ne veulent pas de Sarko, on sent que les choses sont descendus bien bas, bien bas.

Que faut-il pour sortir de cette impasse ? J’ai du mal à voir la solution. Ce n’est évidemment pas par un manque de charme côté français qu’on puisse expliquer ce petit contretemps : après tout, que peut on imaginer au monde de plus séduisant que notre cher Président ?

Friday 4 December 2009

Vive les magistrats!

J’adore les magistrats. Dans nos différents pays, il me semble parfois qu’il n’y a qu’eux à nous séparer de l’anarchie. L’anarchie ? Que dis-je ? Le barbarisme.

En Italie, c’est bien sûr les magistrats qui trouvent que Berlusconi a quelques comptes à rendre sur son comportement un peu royaliste, ou un peu beaucoup. D’ailleurs, il y a même son ami Gianfranco Fini, président de la Chambre des Députés, qui a tenu des propos peut-être légèrement trop francs, devant un microphone allumé. Berlusconi, dit-il, confond le leadership avec la monarchie absolue. Il félicite les magistrats italiens, plutôt injuriés par Berlusconi, pour leur détermination à continuer de poursuivre ‘il Cavaliere’. C’est curieux, me direz vous, comme comportement de la part d’un ami ; quand vous cherchez vos amis, répondrais-je, dans les rangs de l’ancien parti néo-fasciste italien, faut pas trop s’étonner.

En France, entretemps, certains magistrats s’obstinent à croire que malgré les années qui se sont écoulées, Jacques Chirac aurait lui aussi des comptes à rendre concernant les moyens qui l’ont conduit au pouvoir. Ce serait déjà quelque chose si on établissait le principe que, tout monarchique qu’on puisse être lorsqu’on occupe le poste, une fois qu’on est parti on est sujet aux mêmes lois que les autres. Attention, Sarko le Grand !

Et en Angleterre, on enquête sur les circonstances qui nous ont amenés vers l’invasion de l’Iraq. Dernièrement, les témoins commencent à cerner de plus en plus près Lord Goldsmith, qui à l’époque occupait un poste à peu près équivalent à celui du Garde des Sceaux. En juillet 2002, il soumet un document à Blair lui soulignant qu’une guerre contre l’Iraq serait illégale ; sa récompense a été de se faire exclure des réunions du cabinet pendant six mois et de se faire harceler par ses collègues, au point où il a apparemment perdu presque 20 kilos de poids (donc la persécution de Tony n’a pas été complètement sans avantages). Juste avant l’invasion de mars 2003, Goldsmith soumet un deuxième document où, semble-t-il, il émet un jugement plus mitigé.

Va-t-on enfin savoir pourquoi il a changé d’avis ? Ou, plutôt – puisque la raison on la sait depuis toujours – va-t-on enfin avoir la confirmation de ce qu’on sait déjà ?

Et surtout est-ce que la culpabilité de Blair sera enfin clairement établie ?

A suivre. Avec impatience.

P.S. Est-ce que c’est le moment de faire une nouvelle version de Huis Clos croisé avec En attendant Godot qui mettrait en scène trois copains de cellule, anciens chef de gouvernement italien, français et anglais ?

Beau rêve, n’est-ce pas ?

Thursday 26 November 2009

Carla, la nouvelle Keaton

Donc Carla Bruni va tourner un film avec Woody Allen. Cela m’a tout de suite fait penser à Play it again, Sam.

C’est le film où Diane Keaton, convoitée par Woody Allen, est la femme d’un monomaniaque, complètement obsédé par sa carrière, qui passe tout son temps à négocier des deals et ne permet jamais aux émotions de contrecarrer son progrès professionnel. C’est d’ailleurs cette obsession de la part du mari qui donne sa chance à Allen.

Il me semble que Bruni possède toutes les qualités pour recréer ce rôle. Sauf, peut-être, que le mari se révèle à la fin assez sympathique. Et en plus semble relativement satisfait de sa taille (taille d’ailleurs légèrement plus que présidentielle). Mais ce sont des questions de détail, sans grande importance.

Par contre, il reste une objection dure à surmonter. Diane Keaton avait du talent.

Ceci dit, par quel droit remettrai-je en question l’épouse de notre grand président ? Je n’ai qu’à lui souhaiter toute la réussite qu’elle mérite et d’aller, le moment venu, l’applaudir avec fougue au cinéma du coin.

Wednesday 25 November 2009

Manchester, la vraie, et les miracles du foot

Dans dix jours j’assisterai pour la première fois de ma vie à un match de foot professionnel. C’est quelque chose que j’ai évitée depuis 56 ans, mais on n’est jamais à l’abri de nouvelles expériences. Surtout quand on a un excellent ami qui, en s’approchant de la soixantaine, a décidé contre toute évidence antérieure, qu’il est fanatique du foot. Et, en plus, fanatique de Manchester City, malgré ses origines irlandaises.

J’ai bien dit ‘Manchester City’. C’est l’autre équipe de Manchester. Ou, plutôt, Manchester United est l’autre équipe. Depuis quelques mois, City réclame pour lui seul le statut de ‘cœur de la ville’. Cela rend furieux Alex Ferguson, l’entraîneur mythique de Manchester United, l’autre équipe, qui évolue en banlieue (quartier de Trafford). Plus cela embête Ferguson, plus City le répète.

L’ami en question m’a invité à aller voir City jouer contre Chelsea. Ça va être sans doute magnifique, une rencontre entre géants du foot anglais. Du côté City, nous verrons des joueurs dont la consonance du nom trahit les racines profondes dans la ville : Roque Santa Cruz, Nigel de Jong et, bien sûr, Carlos Tevez. Du côté Chelsea, il y aura de grands Londoniens tels que Salomon Kalou, Florent Malouda et Nicolas Anelka. L’équipe de Roman Abramovich fera face à celle de Khaldoon Al Mubarak pour créer un grand festival du sport anglais.

Evidemment, ce que je recherche le plus dans ce match c’est le côté surnaturel. J’ai compris que de temps en temps il se passe des incidents miraculeux sur la pelouse. En 1986, nous avons vu la première intervention de la main de Dieu dans un match international, quand un Saint moderne, Diego Maradona, a poussé de la main la balle au fond du filet anglais en quart de finale de coupe du monde ; et la semaine dernière, c’était la main de Dieu numéro 2, celle de Thierry Henry qui a assuré que la France, plutôt que l’Irlande, participerait à l’édition 2009 de la coupe en Afrique du Sud.

En fait, ce n’est pas ces mains que je trouve miraculeuses. C’est plutôt le miracle des yeux qui me laisse bouche bée. Je ne sais pas où ils les ont, les arbitres, leurs yeux, mais ce n’est certainement pas en face des trous.

Moi j’ai toujours préféré le rugby. Qu’est ce qui empêche le foot de faire comme le rugby et faire appel à la technologie, c’est-à-dire la télé, pour suppléer au sens défaillants des arbitres ? Cela me reste incompréhensible.

Mais je suis sûr que malgré tout cela je vais me régaler le 5 décembre, au City of Manchester Stadium (vous voyez ? ‘City of Manchester’ ? On se distingue bien des banlieusards de ‘Old Trafford’). Je vous tiendrai au courant.

Saturday 21 November 2009

Souvenirs de philosophes

A la radio anglaise l’autre jour j’ai entendu parler Anthony Grayling. Il m’a fait penser à Birkbeck College, l’une des composantes de l’Université de Londres – composante particulièrement importante, puisque j’y ai fait mes études – où il occupe la chaire de Philosophie.

Un de mes amis de fac, étudiant de français comme moi, avait choisi la philosophie comme matière secondaire. Or Birkbeck College se trouve dans un quartier magnifique de Londres, Bloomsbury, le quartier du British Museum et le centre d’un cercle intellectuel d’avant la guerre, le ‘Bloomsbury Set’, qui comptait parmi ces membres les écrivains Virginia Wolf et E.M. Forster et l’économiste John Maynard Keynes – celui dont heureusement on a retrouvé les principes pour faire face à la crise actuelle : sans l’approche Keynesienne que toutes les principales économies ont adoptée, la récession durerait encore plus longtemps et serait encore plus profonde qu’elle ne risque de l’être.

Birkbeck est devenu trop grand pour son bâtiment principal. Certaines sections ont dû déménager dans des maisons du quartier, ces magnifiques maisons des années vingt, grandes, élégantes, la blancheur de la façade bien relevé par le fer forgé noir. La section de philosophie s’était retrouvée dans une maison à quatre étages où chacun des quatre professeurs occupait le sien, organisé en ordre inverti de l’importance hiérarchique : le plus jeune tout en haut, le chef de section au rez-de-chaussée.

Mon ami suivait des cours avec le jeune. Il s’habillait en jeans et veste de
velours. C’était l’époque où les fumeurs n’étaient pas encore devenus les lépreux contemporains ; le prof exigeait que tout étudiant fumeur laisse ses cigarettes et son briquet sur la table devant lui. Il tournait sans cesse dans la salle et à chaque fois que l’envie de fumer le prenait, il s’arrêtait devant un étudiant fumeur et se servait.

Pendant plusieurs semaines, il avait parlé de Descartes, annonçant à la fin que la semaine suivante se serait au tour de Spinoza. Les étudiants étaient donc surpris quand, au prochain cours, le prof s’est remis à parler de Descartes. Après vingt minutes, une étudiante l’a interrompu.

‘Ce n’est pas plutôt de Spinoza qu’il s’agit ?’

Il s’est arrêté et s’est pris la tête dans les mains. Après réflexion, il a répondu, ‘Quand je dis Descartes, je veux dire Spinoza. Et quand je dis Spinoza je veux dire Descartes. Sauf quand, en disant Descartes, je veux vraiment dire Descartes,’ et a continué son cours.

Pour ma part j’avais choisi la littérature italienne en matière secondaire, et je reste toujours content de mon chois, mais c’est quand même avec un certain regret de ne pas avoir connu ce style très particulier d’enseignement.

Sunday 15 November 2009

Muscat aujourd’hui, Hyères demain

C’est curieux qu’il faut parfois aller bien loin pour trouver des gens de chez soi. Je suis actuellement à Muscat, en Oman, où je dois faire une présentation à un tout petit colloque. Ce soir, c’était l’apéritif de réception. J’avoue que je m’ennuyais à mort. Il fallait écouter, en souriant, des gens qui ne me disaient strictement rien tout en me disant beaucoup trop. Je voulais leur crier, ‘je suis là pour vous parler, pas pour vous écouter ; fichez-moi la paix pour l’amour de Dieu.’

Et puis tout à coup j’ai entendu des gens parler Français, et de surcroit rigoler. C'était frappant : dans les pays du Golfe (on n’a plus le droit de dire ‘Golfe Persique’) on entend presque exclusivement l’Arabe et l’Anglais. Mais voilà qu’on s’amusait à côté de moi, et en Hexagonal.

Je me suis approché pour voir ce qui se passait. C’était des gens de l’hôpital d’Hyères. J’étais ravi de faire leur connaissance. C’est un contact que je vais cultiver autant que possible : ça fait des années que j’ai l’ambition de lancer un jour un projet d’informatisation hospitalière sous le titre ‘informatiser l’hôpital d’Hyères, aujourd’hui et demain.’

C’est une occasion de réaliser un vieux rêve. A ne pas rater.

Et le reste de la soirée n’a pas été perdu non plus. L’hôtel passait le match de rugby Irlande-Australie sur écran géant (ça s’est soldé par un match nul, résultat peu commun en rugby, avec deux essais par équipe – un beau match). En prenant l'air de quelque qui part chercher la toilette ou un verre de vin, j'ai pu aller m'installer devant l'écran et passer une partie de la soirée de façon bien plus agréable que je ne l'avais espéré.

Vous me direz que ce n’était pas la peine de faire quatorze heures de voyage pour voir un match que j’aurais bien pu regarder à la télé chez moi ; je vous répondrais que là-bas je n’aurais pas pu le faire à l’extérieur, au mois de novembre, en écoutant les vagues sur la plage et les cigales dans les palmiers.

Ça sert à quelque chose, ces congrès internationaux.

Thursday 12 November 2009

Sarkozy: le soulagement

Quel soulagement. Les choses reviennent dans les normes.

L’histoire de Jean Sarkozy et sa candidature à la présidence de l’EDAP ne me choquait pas plus que ça pour ce qui concernait l’accusation de népotisme. Après tout, dans les systèmes monarchiques, la famille est tout – et il n’y a pas plus monarchique que Sarko le Grand. Ici en Angleterre, pays plus ouvertement royalistes (et cela ne concerne absolument pas la candidate vaincue des dernières présidentielles), personne ne s’inquiète si le Prince Untel se trouve Directeur de société dans un secteur dont il ne sait strictement rien, ou la Princesse Unetelle est projetée automatiquement à la tête d’une équipe nationale d’un sport ou un autre.

Par contre, dans un tel système nous respectons un principe fondamental : la primogéniture.

Par exemple, tout le monde ici adore le prince Harry – celui dont la paternité reste toujours plutôt douteuse – mais nous savons que celui qui compte vraiment, qui recevra le plus de sous du contribuable et qui héritera un jour de la couronne, c’est l’ainé, William.
Donc cela me troublait que Sarko s’occupe tant de son fils cadet. Et l’ainé, me disais-je ? Le prince, le vrai, c’est lui, pas petit Jean.

C’est pour cela que j’ai appris avec tant de soulagement la peine que se donnait l’Elysée pour Pierre, petit Prince lui aussi, mais le grand petit Prince. Celui, bref, dont un vrai père monarque comme le grand Sarko devarit s’occuper avant tout autre.

Les choses reviennent donc dans l’ordre. Je dors bien mieux la nuit.

Monday 9 November 2009

Chute du Mur, chute des illusions

C’est dommage de gâcher ce qui devrait être un moment de joie, le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. Et pourtant, il y a quelques semaines, ici en Angleterre nous avons vu la publication de documents provenant des archives de Mikhail Gorbatchev. Les documents relatent les discussions entre les gouvernements anglais et français et les Sovétiques deux mois avant la chute du mur.

Nous lisons, par exemple, ces mots de Madame Thatcher à Gorbatchev : ‘Nous ne voulons pas d’une Allemagne unifiée. Cela changerait les frontières de l’après-Guerre et nous ne pouvons pas le permettre puisque une telle évolution remettrait en cause la situation internationale entière et pourrait mettre notre sécurité en péril.’ Et un peu plus tard, ‘Vous encouragez chaque pays à se développer à sa façon, à condition que le Pacte de Varsovie reste en place. Je comprends parfaitement cette position.’

Madame Thatcher ‘comprend’ la préservation du système du Pacte de Varsovie ? Un système ‘communiste’ ? un système profondément oppressif ? un système qui contraignait par la menace de la force les pays subordonnés à accepter la mainmise soviétique ? Et Thatcher semblait préférer ce système à la réunification allemande, démocratique voire profondément souhaitée par le peuple.

Les Français n’étaient guère mieux. Jacques Attali, conseiller de François Mitterrand, Président à l’époque, fait savoir que ‘la France ne souhaite certainement pas la réunification de l’Allemagne, même si elle sait qu’à la longue elle est inévitable.’ Plus éclairé que Thatcher, il accepte l’inévitabilité de la réunification, mais sans enthousiasme.


Français ou Anglais, de droite ou de gauche, les deux gouvernements ont en commun une préférence machiavélique de la raison d'état aux principes et une déloyauté profonde envers un allié supposé. Heureusement l'Allemagne Fédérale n’était pas du tout dupe : le ministre des Affaires Etrangères allemand de l’époque, Hans-Dietrich Genscher, a fait savoir que son gouvernement était bien au courant de l’opposition des Anglais et des Français, mais n’en était pas particulièrement perturbé, étant donné qu’il pouvait compter sur l’appui des Etats-Unis. La France et la Grande Bretagne sont plus proches, mais elles ne pèsent pas très lourd dans la balance…

Donc en regardant tous les hommes d’état se féliciter de la chute du mur et de la réunification de l’Allemagne dans la paix et la démocratie, n’oublions pas que leurs prédécesseurs prenaient une position bien différente – en réalité et en secret. Est-ce que les hommes politiques actuels se seraient mieux comportés ?

L’Allemagne est à nouveau unifiée. Mais cette histoire peu édifiante nous fait comprendre que l’unification suivante, celle de l’Europe, risque de se faire attendre encore un petit moment.

Thursday 5 November 2009

Conservateurs autistes

On est très choqués en Angleterre par les propos tenus dernièrement par Pierre Lellouche, le secrétaire d'Etat français chargé des Affaires européennes. Très, très choqués. Monsieur Lellouche a eu la témérité de traiter nos admirables Conservateurs britanniques, dans un interview avec le Guardian, de ‘pathétiques’. Il a même fait allusion à leur ‘autisme’.

C’est vrai que les Conservateurs ont réagi à la signature Tchèque du Traité de Lisbonne en annonçant qu’ils tenteraient de renégocier certains aspects des relations entre la Grande Bretagne et l’UE, comme si les 26 autres pays n’avaient rien de mieux à faire. Ceci après leur décision de quitter le courant majoritaire au parlement européen, pour en créer un nouveau avec, entre autres, un parti Latvien dont certains dirigeants ne trouvent rien de mieux que d’assister chaque année à la commémoration de leurs compatriotes morts au service de la Waffen SS pendant la deuxième guerre.

Pour ma part, je trouve que les Conservateurs veulent nous rendre un énorme service avant de former, presque certainement, un gouvernement l’année prochaine. Ils ont vu tout l’espoir que Blair a suscité en arrivant au pouvoir, avant de nous décevoir cinq ans plus tard au moment de la guerre de l’Irak. Obama a également soulevé des espoirs démesurés qui s’évaporent déjà, une seule année depuis son élection. Les Conservateurs savent que ce sentiment d’espoir trahi est particulièrement dur à supporter, et ont donc décidé de nous décevoir dès maintenant, avant même de gagner les élections. Ils ont compris que cette sorte de déception par anticipation risque d’être bien moins intense que celle qui suit un passage par l’optimisme comme nous en avons connu avec Blair ou Obama.

Il me semble par conséquent que Monsieur Lellouche a commis une erreur importante en sortant sa déclaration. Il devrait trouver une façon plus tempérée de s’exprimer. Je trouve que l’allusion à l’autisme et particulièrement mal placée. Après tout, même si beaucoup sont très difficiles, il y a des enfants autistes avec de grandes qualités et souvent de grands talents.

Faire le parallèle entre eux et les dirigeants actuels du Parti Conservateur me semblent nier complètement leur vrai mérite.

Monsieur Lellouche devrait s’excuser d’avoir tenu des propos si injustes envers les autistes.

Monday 2 November 2009

Mesrine : anniversaire troublant

Aujourd’hui, il y a trente ans, Jacques Mesrine est mort. La police qui l’attendait à la porte de Clignancourt, a criblé sa voiture de coups de feu, abattant ainsi celui qui était devenu l’ennemi public numéro 1 de la France. De cette façon, ils débarrassaient la France d’un grand problème mais en créaient un autre, d’ordre moral, pour ceux comme moi qui sont foncièrement opposé à la peine de mort.

Malgré les films qui ont voulu faire de Mesrine une sorte de Robin des Bois moderne, il n’était au fond qu’un truand capable d’une grande brutalité, voire d’une cruauté étonnante. Evidemment, le Robin des Bois historique n’était peut-être pas mieux que Mesrine, mais Robin avait au moins le mérite de ne pas avoir sans doute existé, tandis que Mesrine avait le défaut d’une existence à laquelle l’action policière avait mis fin, à la grande joie de tous ceux qui avait souffert à ses mains.

Car, quoiqu’en dise la police qui a bien sûr toujours tout nié, ce qui s’est passé à la Porte de Clignancourt à 15h15 le 2 novembre 1979 m’a toujours semblé plutôt une exécution qu’une tentative d’arrestation. Et je suis profondément convaincu de l’immoralité de la peine de mort. Et pourtant ce jour là j’ai partagé un sentiment de soulagement avec la plupart des Français.

Mais qu’est-ce nous serions ennuyeux, n’est pas, nous les êtres humains, sans toutes nos contradictions ?

Sunday 1 November 2009

De beaux jours pour les valeurs républicaines

On vient de vivre dix bons jours pour les valeurs républicaines. Il faut en profiter : ça n’arrive pas aussi souvent qu’on pourrait penser.

Il s’agit de valeurs qui sont très mal assis partout, autant dans les pays qui se veulent républiques, comme la France, que dans ceux qui s’accrochent aux vestiges d’un système monarchique, comme la Grande Bretagne. La tentation monarchique est aussi forte chez ceux-là que chez ceux-ci. Songeons à Mitterand et son double septennat, la longueur d’un règne tout à fait honorable, ou à Giscard d’Estaing et ses attitudes plus royalistes que le roi, et certainement tout aussi impérialistes que son cousin Bokassa I de l’Empire Centrafricain.

En France, on a frappé un coup dur contre le principe royaliste de l’héritage du pouvoir, lorsque le petit Prince Jean Sarkozy a renoncé de suivre son papa, notre président de taille Sarko Ier, à la tête de l’organisme qui gère le quartier de la Défense. Et la décision de poursuivre en justice Jacques Chirac est un coup contre l’impunité royale dont veulent se doter les présidents de notre époque (je pense à Richard Nixon qui déclarait que ‘si le président le fait, c’est légal’).

La plus grande offensive contre les hommes d’état qui se croient au-dessus des lois est en train de se dérouler en Italie, où notre chère Berlusconi a perdu l’immunité qu’il avait fait voter par son parlement.

C’est curieux. Parler de Berlusconi me fait penser à nouveau à Giscard : ce sont deux vieillards qui se font des fantasmes sur des jeunes femmes. Berlusconi arrive à vivre les siens, tandis que Giscard se limite à les mettre dans les pages d’un roman. Berlusconi s’en prend à des femmes vivantes (professionnelles ou volontaires), tandis que Giscard semble épris d’une femme morte depuis douze ans. Le fantasme est cependant le même, et je n’arrive pas à décider chez lequel des deux il est le plus malsain.

La plus grande victoire récente contre l’esprit monarchique ne concerne ni la France, ni l’Italie, mais la Grande Bretagne. On pourrait croire que ce pays n’avait gardé de la monarchie que sa forme, puisque la reine ne règne pas, c’est un gouvernement élu qui gouverne. Cependant, ce que la plupart même des Anglais ignore, c’est que l’autorité royale, si elle n’est plus détenue par la reine, est exercée par les ministres en son nom et à sa place. Donc si Blair a permis au parlement de débattre de la guerre en Irak, il n’était pas obligé de le faire. Son gouvernement avait le droit, sans référence à quiconque, de lancer un pays qui s’y opposait avec acharnement dans une guerre que presque tout le monde s’accorde aujourd’hui à qualifier d’illégale. Au moment des débats aux Nations Unies sur une résolution qui aurait autorisé l’action, le centre des renseignements britannique à Cheltenham a reçu la consigne d’obtenir des informations personnelles sur les membres de Conseil de Sécurité, dans l’espoir de leur faire de la pression pour adopter la résolution. Du chantage pour justifier une agression. Les couches de comportement criminel s’entassent.

J’avais plus ou moins abandonné tout espoir que Blair ait jamais à s’expliquer devant des juges sur son action illégale, qui a coûté la vie à entre 100,000 et un million d’Irakiens (l’incertitude est la suite du refus des pays de la Coalition de compter les morts civils). Mais j’étais au désespoir de penser qu’il pouvait être honoré de la première présidence du Conseil d’Europe. Heureusement l’intervention de Merkel, de Sarkozy et de Zapatero semble avoir mis fin à cette honte monstrueuse. Blair restera citoyen privé.

Et, qui sait, l’exemple de Chirac et de Polanski montre qu’il n’est peut-être pas à l’abri de la justice. Je n’ai jamais compris pourquoi un vieillard mérite d’être mieux traité parce qu’il a fait des films médiocres, ou a dirigé un gouvernement médiocre, pendant que d’autres vieillards pourris ou pédophiles ont à subir les conséquences pénales de leurs actions.

Blair devant des juges à la Haye ? Alors là, vraiment, on pourrait dire que les valeurs républicaines avaient obtenu une victoire fameuse.

Tuesday 27 October 2009

Britanniques : hommes de terre

Si la Grande Bretagne a quelque chose de spécial à offrir au monde c’est sans doute la BBC. Et surtout les services radio de la BBC. Surtout depuis que ses meilleures émissions sont disponibles en forme de Podcast et donc téléchargeables sur l’iPod que j’écoute en salle de gym. Cela rend la torture de la gym moins affreuse et me permet de m’exercer l’esprit en même temps que le corps.

Ce matin j’ai écouté une de mes émissions préférées, In Our Time. Des experts discutent de sujets divers et variés – il y a deux semaines c’était l’affaire Dreyfus, par exemple, mais cela peut-être également la poésie ou les maths. L’émission que j’ai écoutée ce matin parlait de la géologie des Iles Britanniques. Qu’est-ce que cela m’a appris des choses, et pas seulement sur ce qui s’est passé il y a une éternité. Au contraire, j’ai eu le sentiment de voir clair tout à coup sur certains aspects de l’état des choses actuel.

Il paraît que cela ne fait pas longtemps – quelques centaines de millions d’années, si je me souviens bien – que l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Irlande du Sud étaient séparés de l’Ecosse et faisaient partie d’un supercontinent antarctique. L’Ecosse et le nord de l’Irlande se trouvaient près de l’Equateur où ils devaient connaître un climat bien plus doux qu’à tout moment depuis.

Hélas, l’Angleterre est partie à sa chasse, en traînant le Pays de Galles et l’Irlande du Sud avec elle. Elle s’est écrasée si brutalement contre Ecosse qu’elle est restée attachée, non seulement à l’Ecosse actuelle mais à la Nouvelle Ecosse aussi. Celle-ci a pu s’enfuir par la suite et traverser l’Atlantique entière, pour bien se séparer de l’Angleterre, mais la pauvre vieille Ecosse est restée prisonnière.

A l’epoque, l’Irlande, entière à ce moment-là, l’Angleterre, l’Ecosse et le Pays de Galles faisaient partie d’un autre supercontinent, mais cette fois-ci, dans l’hémisphère nord. Evidemment, cette intégration totale à l’Europe ne convenait pas à l’Angleterre, qui s’est creusée un fossé entre elle et le Continent et l’a rempli d’eau pour en faire la Manche. De cette manière, elle s’est donnée l’illusion d’être bien séparée de l’Europe, même si en réalité elle reste bien liée au Continent géologiquement.

Ce que l’Angleterre a voulu faire par rapport au Continent européen, l’Irlande a voulu le faire par rapport à l’Angleterre, avec aussi peu de réussite : la mer d’Irlande nonobstant, l’Irlande reste bel et bien rattachée à la Grande Bretagne. Par contre, l’Irlande a eu beaucoup plus de succès géologiquement qu’en politique pour garder ces liens avec le nord de l’île.

C’est curieux, n’est-ce pas, à quel point le comportement des peuples de ces îles semble exprimer la formation des îles mêmes? Ne serions-nous en fin de compte que des êtres faits de la pierre et de l’argile sur laquelle nous vivons ?

Mais ce serait dire que les Anglais ne sont que des Trolls. Et sauf lorsqu’ils sortent s’amuser au pub le vendredi soir, ils ne donnent pas de signe particulier de mériter un tel reproche.

Thursday 22 October 2009

A la merci du Bullingdon Club

Il se passe des choses curieuses dans la Droite Anglaise en ce moment.

Elle se prépare, bien sûr, au pouvoir : à six mois près des élections, les Conservateurs ont 14 points d’avance dans les sondages. Il faut les prendre au sérieux. C’est le prochain gouvernement. Par conséquent, il devient de plus en plus intéressant de savoir à qui on a affaire.

Le leadership du parti contient plusieurs personnes dont la biographie est, pour en dire le moins, exceptionnel. Le leader même, David Cameron, son porte-parole sur les Finances, George Osborne, et le maire de Londres, Boris Johnson, se sont connus au Bullingdon Club lorsqu’ils étaient étudiants à l’Université d’Oxford. A l’intérieur de cette université, avec Cambridge la plus prestigieuse du royaume et un des hauts lieux de l’élite nationale, le Bullingdon Club représente ce qu’il y a de plus privilégié : seuls les étudiants les plus riches peuvent y accéder. On dirait la crème de la crème, sauf que ce qui flotte à la surface d’un liquide n’est pas toujours de la crème.

Les membres du Club s’amusaient à réserver des restaurants entiers – une ou deux tables, ce serait trop banal – se saouler et tout casser, en sachant qu’un des papas viendrait régler les dommages le lendemain. Osborne, qui avait fréquenté St Paul’s School à Londres, parmi les écoles les plus chères de l’Angleterre, s’est fait tabasser pour le punir de ses origines modestes par les autres membres issus des plus grandes écoles de toutes (dans le cas de Cameron et Johnson, c’était Eton).

Il y a quelques mois, ce beau monde avait décidé qu’il fallait amadouer l’Extrême Droite profondément Eurosceptique du Parti. Cameron a décidé que les élus Conservateurs du Parlement Européen quitteraientt le courant majoritaire, qui comprend entre autres les partis d’Angela Merkel et de notre grand Sarkozy, pour créer leur propre groupement. Ils se sont trouvés des alliés chez les ultranationalistes de la Pologne, de la République Tchèque et de la Latvie. Ces derniers, en particulier, appartiennent à un parti dont bon nombre des membres assistent chaque année à une fête commémorant la participation de leurs compatriotes à la Waffen SS de l’Allemagne Nazie.

Cameron s’est sans doute dit que les Institutions Européennes n’avait pas grande importance, puisqu’il n’y a que Westminster qui compte vraiment. Et ben, non.

C’est vrai que la majorité de l’électorat britannique n’a rien remarqué. Par contre, leur comportement a été repéré par quelqu’un qui compte pour bien plus que les simples concitoyens de ces politiciens subtils : Barack Obama. Ce soir, Hilary Clinton s’entretiendra avec celui qui risque d’être bientôt son homologue britannique, William Hague, porte-parole Conservateur sur les Affaires Etrangères. Et ce sera pour savoir à quoi son parti joue. Elle se demande si en se coupant de Merkel et Sarkozy, les Conservateurs ont vraiment choisi le meilleur moyen d’augmenter l’influencer britannique sur la politique Européenne. Si le prochain gouvernement aura perdu sa crédibilité en Europe, est-ce que Washington ne ferait pas mieux de se trouver un autre interlocuteur ?

Rien ne fait plus peur à un politicien anglais que le risque de ne pas se faire cajoler aux Etats-Unis. Cameron et compagnie doivent se demander s’ils n’ont pas fait une bêtise.

A Oxford, il y avait toujours papa pour régler les conséquences de leur inconscience. Mais sur qui pourront-ils compter lorsqu’ils seront au pouvoir ?

Et nous, sur qui compterons-nous ?

Sunday 18 October 2009

L'héritage du Prince

J’ai l’impression que l’actualité politique française du moment ne parle que de ‘la polémique sur Jean Sarkozy’. Même mon journal anglais préféré, The Guardian, lui consacre deux pages ce samedi (et nous raconte que le prince Jean n’aime pas qu’on l’appelle ‘prince’ et souligne qu’il est difficile d’être le fils du président ; c’est vrai que sa naissance lui a sûrement value des obstacles majeurs à surmonter, ce qui explique la peine qu’il a à avancer à la vitesse qu’il souhaiterait dans sa carrière politique).

Est-ce qu’il y a vraiment de quoi susciter une polémique autour de Jean Sarkozy ? Est-ce que dans toute cette histoire il y a autre chose que du normal, que la preuve de vérités connues et évidentes ?

Prendre la responsabilité d’un organisme comme l’EPAD à 23 ans est tellement insolite que cela ne peut que démontrer les qualités rares de la personne en question. D’où est-ce que Jean Sarkozy tire ses talents ? Mais évidemment de Sarko le Grand dont personne ne peut assurément douter de la grandeur d’âme, l’ouverture d’esprit et l’engagement passionné envers l’intégrité et les valeurs républicaines.

Ce qui prouve donc que si le petit Prince Sarko a toutes les qualités requises pour les nouvelles responsabilités qu’on lui prépare, c’est une simple conséquence des lois de la génétique. C’est la démonstration par la pratique de principes d’hérédité connus depuis Mendel.

Ne pas accepter cette explication nous obligerait d’accepter une alternative franchement atroce. Ce serait croire que le Prince au lieu d’avoir des qualités rares, a trop rarement des qualités. Pire, ce serait croire que le Président Sarko, au lieu d’avoir le bien du pays à cœur, serait prêt à sacrifier les principes fondamentaux de l’équité qui sont le fondement d’une grande République, pour avancer les intérêts des membres de sa famille, sans rapport à leur capacité de servir la France.

Qui pourrait entretenir de tels soupçons d’un homme si évidemment prêt à se dévouer entièrement à ces concitoyens que ne l’est notre grand Président ?

Tuesday 13 October 2009

La défense de la famille, la famille à la Défense

François Mauriac parlait de la famille comme d’une ‘cage aux barreaux innombrables et vivants’, dans Thérèse Desqueyroux, roman qui m’a bien impressionné quand j’avais quinze ans. J’ai même imposé un pèlerinage à mes parents, au fond des Landes, au hameau de Jouanhaut qui avait servi de modèle à Mauriac pour le village d’Argelouse où vivait Thérèse, et à la vraie commune d’Argelouse à côté.

Mais si pour Mauriac la famille n’était pas sans défauts, pour d’autres grand penseurs du vingtième siècle, elle était d’une importance capitale. La grande dame de fer – à la tête de bois, selon moi – Maggie Thatcher disait que la société n’existait pas, il n’y avait que des particuliers et des familles. On ne peut pas nier qu’elle se soit bien occupé de son fils : il l’a accompagné en Arabie Saoudite avec une délégation gouvernementale faisant du trafic d’armes – pardon, chargé de négocier un accord militaire – et le voyage lui a valu son premier million de livres. C’est le premier qui est toujours le plus difficile, ou du moins c’est que j’ai cru entendre, et si sa mère lui a aplani le chemin, elle n’accomplissait somme toute que son devoir maternel.

Donc je suis très content de voir que notre grand Sarko se montre aussi dévoué aux bons sentiments familiaux que la mère Thatcher. Evidemment, personne ne doute des talents remarquables de Jean Sarkozy. Après tout, il a les gènes de son père, et Dominique de Villepin nous montre bien que Sarko peut être bien gênant s’il le souhaite. Avec un fils aussi talentueux, qui pourrait reprocher à Sarko de l’avoir un petit peu pistonné, s’il l’a fait ? Quoi de plus normal que de défendre sa famille en mettant sa famille à la Défense ?

Et c’est réconfortant de savoir que si la famille ressemblait à une cage aux barreaux vivants pour la pauvre Thérèse Desqueyroux, elle a des barreaux bien en or pour d’autres.

Saturday 10 October 2009

Symétries politiques

Je ne suis pas grand amateur de Platon – un peu trop idéaliste, à mon goût – mais comme lui j’aime bien retrouver de la symétrie dans la vie. Par conséquent, j’ai toujours trouvé séduisant le principe de Marx (le grand et ennuyeux Karl, pas le petit Groucho tellement plus savoureux) que ‘l’histoire se répète toujours deux fois : une première fois comme tragédie, une seconde fois comme comédie’. Mais si la symétrie de la répétition est satisfaisante, combien plus ne l’est la répétition de la répétition même. Je m’explique.

La citation de Marx paraît dans Le 18 brumaire de Louis Napoléon où il met en parallèle le premier Napoléon, le grand, avec le petit, son neveu Napoléon III. Or de nos jours nous assistons à la reprise de cet effet de miroir entre oncle et neveu. L’oncle était François Mitterrand, quatorze ans président de la République et dont, pourtant, je continue à me demander ‘mais – qui était-ce ?’. Les interrogations affluent dès le début de sa carrière. Homme de droite aux années 30, proche des mouvements fascisants, ou homme de gauche défenseur des principes républicains ? Collaborateur du régime de Vichy ou héros de la résistance ? Ou peut-être les deux ? Le personnage est bien opaque.

Lorsqu’il arrive à l’apogée de sa carrière, à l’Elysée, il porte l’étiquette ‘socialiste’. Mais l’était-il véritablement ? Ou est-ce qu’il se servait plutôt du parti socialiste, qu’il a su transformer pour le rendre bien plus efficace, mais aussi pour en faire le moyen de réaliser son ambition personnelle ?

Je crois que tout ce que nous pouvons vraiment dire sur François c’est qu’il était Mitterrandiste.

Le neveu, celui qui joue le rôle de Napoléon III, le rôle comique, c’est bien sûr Frédéric Mitterrand. A nouveau, que sait-on de lui ? Il a connu du succès sur plusieurs plateaux – cinéaste, écrivain, universitaire – mais jamais de réussite éclatante. Avec un certain talent, il semble démontrer, et des connexions hors pair – un oncle ancien Président, un autre ancien général – on peut aller loin.

Et en politique ? Homme de gauche, sorti du Mouvement des radicaux de gauche, ou de droite, militant et de surcroît ministre de l’UMP de notre grand président actuel ? En tout cas, comme son oncle c’est certainement quelqu’un qui suscite des débats. Comme pour confirmer le jugement de Marx, cependant, si pour l’oncle il s’agissait de questions nobles – la nature de la République, le Socialisme, la Résistance ou la collaboration – pour le neveu c’est un peu plus terre à terre. Est-ce qu’un de ses romans justifie le tourisme sexuel ? Quels sont exactement ses mobiles pour défendre avec tant d’acharnement Roman Polanski accusé du viol d’une mineure ? Pourquoi défend-il son filleul et un complice accusé du viol d’une jeune de seize ans ? C’est comique parce que c'est ridicule, même s'il ne s'agit que de comédie sans finesse, dont on ricane plus qu’on ne rigole.

Cependant, derrière tout cela un fil conducteur important relie le neveu à son oncle. Comme Napoléon III était aussi Bonapartiste que son oncle, il me semble que Frédéric est aussi Mitterrandiste que le sien.

Napoléon I et Napoléon III. François et Frédéric. Au moins de ces tristes histoires nous pouvons tirer de quoi satisfaire le goût si humain de la symétrie.

Thursday 8 October 2009

Rien ne vaut la sincérité

Nous vivons des moments curieux en Angleterre. Nous avons un gouvernement qui n’a pas trop mal géré la crise : nous nous en sortons petit à petit, au prix d’une dette publique faramineuse, mais en ménageant un peu la croissance du chômage et de la misère.

Le NHS, malgré ses problèmes, se porte bien mieux que depuis des décennies, et j'en suis particulièrement conscient, ayant travaillé dans ce domaine depuis 25 ans.

Même pour l’éducation où il me semblait que le gouvernement n’avait pas eu de succès particulier, une étude récente faite pour le gouvernement écossais montre qu’en terme de réussite scolaire, l’Angleterre progresse fortement depuis dix ans tandis que l’Ecosse peine un peu.

Donc des succès certains et concrets.

Et pourtant l’électorat s’apprête à se débarrasser du pauvre Gordon Brown. La raison ? Son manque de sincérité, sa poursuite interminable de petites victoires en relations publiques. Et on veut le remplacer par qui ? Par David Cameron qui est un professionnel des relations publiques.

Et pourtant Cameron et son parti Conservateur a décidé de faire preuve, cette semaine, lors du congrès du parti, d’une sincérité toute neuve. Ils ont étalé un programme d’économies, de réductions de droits, d’augmentation d’impôts. Ils ont même annoncé leur souhait d’augmenter d’un an l’âge de la retraite.

C’est curieux, n’est-ce pas ? Ces experts des relations publiques ont annoncé un programme complètement négatif.

Quelle belle ironie si un gouvernement auquel on reproche le manque de sincérité profitait de l'excès de sincérité de la part de l’opposition.

Saturday 3 October 2009

L'Irlande décide

L’Irlande vote!

Il faut dire que ce n’est pas très passionnant comme titre. Après tout, quand est-ce qu’ils ne votent pas, ces Irlandais ? Maîtres de la parole, avec des écrivains, des poètes, des dramaturges de tout premier ordre, si on peut leur reprocher un tout minime défaut, c’est peut-être d'en faire un usage un tout petit peu excessif.

Il paraît que c’est un défaut qui les marque également en politique, où on n’arrête pas de les consulter. Et le pire est que nous autres, 497 millions de citoyens non-Irlandais de l’Union, continuons à les écouter, inquiets et incertains. Notre sort en tant qu’Union dépend de ces trois millions auxquels il faut toujours poser la question deux fois pour qu’ils trouvent la bonne réponse.

Le pire ? S’ils répondent enfin ‘oui’ il faudra attendre la réponse des Tchèques. Dix millions qui tiendront à leur tour le destin de l’Europe entre leurs mains. Et s’ils ne se décident pas vite, les Conservateurs seront à nouveau au pouvoir en Grande Bretagne, et ils ont promis un référendum ici. 500 millions attendront l’avis de 60.

C’est une position intenable. Nous avons très besoin du traité de Lisbonne, ou encore mieux d’une vraie constitution qui mette fin à cette farce de l’unanimité où un seul pays – ou un pays après l’autre, à tour de rôle – peut remettre en question l’avenir de tous les autres. Quel dommage que Giscard d’Estaing, grand amateur de princesses, se soit montré si amateur tout court en question de construction de Constitution.

Le traité de Lisbonne nous permettra de prendre un nouveau pas vers une véritable structure. Du moins si les Irlandais ont vraiment dit oui, comme les premières informations semblent indiquer. Et les Tchèques ne se font pas trop attendre.

Mais si on y arrive, un jour, à une vraie Constitution, je voudrais proposer d’ores et déjà, un amendement important. Le nombre de votes devra toujours correspondre au nombre d’états membres, plus un.

Chaque pays aurait un vote.

Et l’Irlande en aurait un deuxième pour corriger la mauvaise réponse donnée par le premier.

Sunday 27 September 2009

G20: le triomphe de la Grande Bretagne

Quel triomphe, la réunion du G20 a Pittsburgh! On avait très peur en Angleterre que les choses allaient tourner mal, et c’est donc avec autant de soulagement que de bonheur que nous constatons la réussite de Gordon Brown.

Il faut comprendre que pour nous le succès n’a rien à voir avec le terrorisme, le réchauffement de la planète ou la crise financière. L’important c’est de savoir où nous en sommes dans nos rapports avec les Etats-Unis.

Tout le monde en Angleterre sait que nous avons des rapports privilégiés – le ‘special relationship’ – avec les Etats-Unis. Le gros problème est qu’il est nettement moins évident que les Etats-Unis entretiennent des rapports spéciaux avec nous.

Nous admirons bien sûr tous Barack Obama. Cependant, il y a des moments où nous nous permettons de douter un peu de son anglophilie. George Bush avait un buste de Churchill dans le bureau ovale. Obama l’a fait enlever. Quand Brown a visité Obama, le cadeau qu’un premier ministre reçoit habituellement d’un Président a pris la forme d’une collection de DVD de série américaine. DVD au format américain, d’ailleurs, zone 1, donc injouable sur la plupart des lecteurs britanniques.

Donc quand nous avons appris que quatre tentatives d’obtenir un rendez-vous en tête-à-tête entre Obama et Brown avaient amené à quatre échecs, nous commencions à nous inquiéter sérieusement. Churchill et Franklin Roosevelt se réunissant en plein Atlantique pour décider du sort du monde démocratique, ça ne comptait plus pour rien ? Blair qui a appris à croire aux armes de destruction massive Iraquiennes pour faire plaisir aux Américains, et qui aurait appris à croire au Père Noël si Bush le lui demandait, ça ne nous valait pas un peu de reconnaissance ?

Mais heureusement tout est rentré dans l’ordre. Brown a eu son rendez-vous à la cinquième tentative. Lui et Sarah ont eu droit à la bise de Barack et Michelle, exactement comme Sarko-le-Grand et Carla. Lui et Sarko on comparu avec Obama devant la presse soulignant l’importance de nos deux pays par rapport aux puissances mineures telles l’Allemagne, le Japon ou la Chine.

Dans un monde dominé par tant de difficultés, il est réconfortant de savoir que sur les questions essentielles, sur qui joue avec qui dans le préau, qui est assis à côté de qui en salle de classe, on sait toujours trouver les bonnes réponses.

Friday 25 September 2009

Mali: belle ironie

C’est curieux qu’au Mali l’opinion publique ait poussé le Président Amadou Toumani Touré à reculer sur la nouvelle loi sur la famille. C’est encore plus curieux étant donné que parmi les dirigeants des manifestations étaient de nombreuses femmes et la loi mettaient fin, entre autres choses, à l’obligation légale des femmes d’obéir à leurs maris. Et je précise : elle n’empêchait pas aux femmes d’appliquer cette obligation, elle sortait cette obligation du giron de la loi. C’est la cause de la colère des manifestants : dans un pays dont 85% de la population est musulmane, c’est précisément le désir de séparer le rôle de l’état de celui de la religion (le projet de loi faisait également du mariage une institution laïque) qui a choqué.

Et le comble du curieux dans cette histoire c’est que cette séparation, si importante dans le monde occidental, si controversé dans le monde Islamique, doit ses origines à un des grands maîtres à penser de l’Islam.

La séparation de la foi et de la raison a atteint son apogée avec les grands progrès de la science au dix-huitième siècle. Elle est peut-être à son comble dans le dialogue célèbre de Napoléon, qui demande au scientifique Laplace pourquoi Dieu ne paraissait pas dans un livre qu’il venait de publier et reçoit la réponse, ‘Je n'avais pas besoin de cette hypothèse-là.’

Les origines de ce mode de pensée sont cependant bien plus anciennes, et remontent à un des grands saints de l’église, Thomas d’Aquin. C’est lui qui a voulu refonder le Christianisme sur des bases Aristotéliennes, ce qui l’amène à proclamer la validité de l’étude de la Nature à côté de celle des choses spirituelles. Cela paraît anodin mais en réalité il cache un danger profond : dès qu’on sort l’étude de la Nature, donc la Science, et plus généralement la pensée rationnelle, de sa subjugation à la foi on se lance sur un chemin qui risque de faire de Dieu une croyance facultative. Ce qui nous mène à Laplace.

Ce n’est donc pas étonnant que Thomas d’Aquin, avant sa canonisation, a été condamné pour hérésie. Mais l’église a changé d’avis, Thomas a été promu saint, et nous voilà avec le principe de séparation de la vie civile de la foi.

Et où est-ce que Thomas a appris les principes aristotéliens ? Surtout en lisant les commentaires sur le philosophe Grec écrits par Averroés, grand maître de la pensée Européenne et Musulman de la ville, Arabe à l’époque, de Cordoue en Espagne.

Or si les Catholiques ont compris qu’Aristote était dangereux lorsque Thomas adoptait sa pensée, vous pensez bien que les Musulmans ont compris la même chose chez son maître Averroés. Il a été exilé au Maroc et la porte qu’il avait ouverte a été fermée pour ses coreligionnaires, même si elle resta ouverte chez ses disciples chrétiens.

Donc au Mali on assiste au heurt entre les principes de base de la religion d’Averroës, et les principes auxquels ont amené ses propres idées.

Belle ironie, n’est-ce pas ?

Tuesday 22 September 2009

Suicides : l’alternative

Quelle tragédie, tous ces suicides chez Orange.

Evidemment, ici en Angleterre ce serait imaginable. Pas parce que les entreprises anglaises ont de meilleurs managers, loin de là. Pour nous autres, de ce côté de la Manche, il n’y a pas de domaine où nous sommes prêts à nous laisser dépasser par les Français. Par conséquent, et c’est avec orgueil que je l’affirme, je soutiens avec fermeté qu’en matière d’incompétence, nos patrons sont entièrement capables de rivaliser avec leurs homologues Français. Au moins.

Non, la grande différence c’est que nous sommes plus transparents sur le chapitre de la rémunération. Nous savons ce qu’ils reçoivent. Il y a quelques mois, et je sais que cela n’est pas passé inaperçu en France, la presse britannique ne parlait que du scandale des députés qui abusaient de leurs notes de frais. Mais il y a quelques semaines que le Guardian a publié des informations sur les frais des grands patrons de l’industrie. Le jardinier payé par l’entreprise. Le jet de fonction mis à disposition de la femme du PDG. Les 500 000 livres payés à un PDG américain d’une société britannique pour le défrayer des coûts de son déménagement lors de son retour aux Etats-Unis.

C’est curieux que le parti Conservateur en ait parlé beaucoup moins que du scandale des députés, thème dont il s’est bien servi pour attaquer le gouvernement. C’est sans doute par souci de politesse : il serait très mal élevé de s’en prendre à des gens qui se sont toujours montrés si bienveillants envers lui, politiquement et financièrement.

Donc vous vous imaginerez bien que, malgré le management par le stress, le suicide n’est pas l’option préférée des salariés britanniques.

L’homicide, par contre, nous semble parfois très tentant.

Saturday 19 September 2009

Mésentente cordiale

A l’époque communiste, un journaliste occidental a demandé à un Tchèque, ‘Pour vous, les Russes sont-ils vos frères ou vos amis?’ ‘Nos frères,’ a répondu l’autre, ‘on choisit ses amis.’

On ne choisit pas ses cousins non plus, et je trouve que les Français ont des rapports de cousin avec les Anglais, proches mais tendus. Nous n’arrivons pas à oublier la guerre de cent ans (série gagnée par la France, malgré plusieurs défaites cuisantes) ou les guerres napoléoniennes (série gagnée in extremis par les Anglais, avec de l’aide externe).

La rivalité se retrouve même au niveau linguistique. J’adore l’expression ‘traduit de l’américain’ que je retrouve dans certains livres en français. Le mot ‘américain’ traduit le terme américain ‘English’, langue que les Américains croient parler. Et si je me permets un rare moment d’objectivité – cela m’arrive parfois, malgré moi – ils maîtrisent souvent mieux la langue que pas mal d’Anglais.

‘Traduit de l’américain’ veut dire, par exemple, que le mot ‘couleur’ dans la version française traduit ‘color’ dans l’original au lieu de ‘colour’. Comment expliquer le désir de souligner ce fait autrement que par la volonté de bien se distinguer des Anglais ?

C’est un désir entièrement réciproque. Connaissez-vous le roman d’espionnage d’Erskine Childers, The Riddle of the Sands ? A l’époque, en 1903, Childers était fonctionnaire anglais et le roman devait non seulement divertir ses lecteurs par ses moments forts et son suspens, mais aussi alerter les Anglais au risque qui pesait sur le pays. La Grande Bretagne était bien défendu contre son ennemi traditionnel, la France, malgré 90 ans de paix. Elle n’avait presque pas de protection contre l’Allemagne, d’où venait la vraie menace, à onze ans de la première guerre mondiale.

Curieusement, tout en étant fonctionnaire anglais, Childers était d’origine irlandaise. Le pays qu’il s’efforçait de défendre était le même qui opprimait son pays natal. Il est rentré dans celui-ci au moment de l’indépendance et, pour récompense, s’est fait fusiller par l’un des camps (irlandais) de la guerre civile qui a suivi. Avec des ironies pareilles, je n’ai jamais compris ceux qui ne trouvent pas l’histoire passionnante.

A propos, le roman de Childers est disponible chez amazon.fr sous le titre L'Enigme des sables. Traduit de l’anglais (l’irlandais étant une autre langue).

La France est le pays le plus proche de l’Angleterre. Presque tout Anglais qui ait jamais quitté le pays connaît la France. En revanche le grand Sarkozy, en tant que candidat à la Présidence, est venu en campagne à Londres, qu’il qualifie de septième ville française du monde.

Il s’agit à mon avis de deux pays liés par leur mésentente cordiale.


Au moins nos confrontations se limitent aujourd’hui aux pelouses de rugby. Où dans la série de rencontres depuis le début de ce siècle, l’Angleterre mène neuf à sept. Fait que je ne cite que par souhait d’offrir des informations précises et complètes à mon public, comme se doit un blog de service public comme le mien.

Thursday 17 September 2009

La gauche et ses traditions

Il y a trente ans, l’une de mes nombreuses erreurs de jeunesse a été la séduction par l’extrême gauche. Or la gauche aime bien parler, de vive voix ou par écrit, et qu’est ce que j’ai dû avaler des textes bien indigestes.

De temps en temps, j’ai eu des surprises agréables : Trotsky, ancien journaliste, savait enchaîner des mots pour en faire des phrases qui donnent envie de lire la prochaine, et son Histoire de la Révolution Russe, si elle n’est pas un modèle d’objectivité et de précision, est au moins passionnante. Mais les autres ! On découvre parfois une belle phrase – ‘un spectre hante l’Europe – le spectre du Communisme’, par exemple. Ce n’est pas vrai, et ce n’était même pas vrai à l’époque, mais il ne faut pas être trop pédant. Une belle sonorité vaut parfois la vérité, n’est-ce pas ?

En général, cependant, je trouvais Marx le plus illisible des auteurs. Au moins, jusqu’à ce que je fasse la connaissance de l’œuvre de Lénine. Parfois il suffit de lire le titre – je ne me souviens de rien dans La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, mais le titre même est assez rébarbatif pour me rappeler la peine avec laquelle j’ai bataillé pour arriver à la fin d’un texte pourtant relativement court.

Mais arrêtons-nous un instant sur ce titre. ‘Le rénégat Kautzky’. Je parie que sans consulter Wikipédia, personne ne sait qui c’était. Lénine trouvait qu’il était assez important pour être la cible d’un de ses livres. Aujourd’hui, cela n’intéresse que quelques étudiants d’histoire politique du début du vingtième siècle. Mais comme les grandes envolées intellectuelles, c’est une tradition de la gauche de s’éviscérer mutuellement. Hier c’était Kautzky agressé par Lénine ; aujourd’hui, c’est Aubry poignardé par Royal.

C’est beau, n’est-ce pas, de respecter et maintenir les traditions ? Et le PS français est un parti profondément traditionaliste. L’emploi, le réchauffement de la planète, la crise financière. Questions accessoires. Nicolas Sarkozy. Cible secondaire. Concentrons-nous sur ce qui intéresse vraiment l’électorat, la grande question qui agite les principes de fonds du socialisme : Martine Aubry a-t-elle été élue à la tête du Parti selon les règles ou non ?

Lénine approuve sans doute du fond de son tombeau. Et Kautzky doit bien rigoler.

Monday 14 September 2009

Arithmétique du bonheur

Deux articles du Monde m’ont paru particulièrement intéressants, surtout par leur proximité.

L’un parlait du décalage entre la fin de la crise économique et la perception des français de n’en être pas encore vraiment sortis. Quels ingrats. Malgré tout ce que fait le grand Sarko pour les rendre joyeux, ils persistent à être malheureux. Quelle honte.

L’autre parlait d’une proposition française de changer le moyen de mesurer la prospérité.

Or être cynique c’est connaître le prix de tout, et la valeur de rien. C’est un reproche que je veux surtout éviter. Je ne fais donc aucun rapprochement entre ces deux articles. Cependant, je ne peux pas m’empêcher de réfléchir au bon vieux temps où chez nous, sur notre petite île, gouvernait la grande Maggie, Thatcher la glorieuse. Sous son règne bénéfique, il a fallu changer 24 fois la façon de mesurer le chômage. Sur ces 24 changements, il n’y en que quatre qui ont donné une augmentation du total de chômeurs.

C’est étonnant, n’est-ce pas ? Mais c’est l’illustration parfaite d’une grande vérité statistique. La probabilité de n’avoir que quatre fois sur 24 le même résultat, sur deux possibles, est de moins de 8 sur 10 000. Vous vous imaginez ? Vous voyez que tout résultat, aussi improbable qu’il puisse être, peut se produire par le pur effet du hasard.

N’excluons donc pas la possibilité qu’une nouvelle définition de la prospérité ne puisse donner à tous les français le sentiment d’être riches, et donc les réconcilier avec un président de taille qui met chaque centimètre de son être au service de son peuple.

Saturday 12 September 2009

Pas toujours très gentleman, ces anglais

L’année dernière, nos rêves de richesse à nous tous, contribuables anglais, semblaient sur le point de se réaliser : nous sommes devenus banquiers. Notre gouvernement, agissant à notre nom, avait pris des parts, parfois très importantes, dans plusieurs de nos plus grandes banques.

J’allais être patron de ma propre banque ! Avec quelques millions d’associés, soit, mais quand même. Vous vous rendez-compte ?

Hélas, la réalité s’est avérée plutôt décevante. En tant que banquier, j’ai le même problème que tout chef de grande entreprise : où trouver des salariés compétents et honnêtes ?

Par exemple, à la tête de ma belle banque écossaise, la Royal Bank of Scotland, moi et mes associés avons nommé Stephen Hester PDG. Malheureusement, sous sa direction ma banque a encouru des pertes qui atteignent la somme tout à fait honorable d’un milliard de livres.

Pour cette prestation, Monsieur Hester trouve qu’il vaut bien son salaire annuel de 1,2 million de livres, et se croit dû un bonus de 9,6 million de livres sur trois ans, un total de 4,4 million de livres par an.

En ce moment, le salaire moyen britannique est inférieur à 25,000 livres par an. Je vais donc devoir rémunérer Monsieur Hester à un taux annuel équivalent de 176 années de travail d’un ouvrier moyen – c'est-à-dire, à peu près l’équivalent de cinq carrières entières par an. Pour des pertes d’un milliard cette année.

Décevant, n’est-ce pas ?

Ce qui rend tout cela particulièrement curieux ces les résultats, publiés cette semaine, d’une étude des revenus dans la City, le secteur financier britannique. Traditionnellement, c’est un ‘boys’ club’. Je ne dis pas ‘gentleman’s club’, car ‘gentleman’ implique un autre degré de maturité, et en plus ‘gentleman’s club’ est devenu le terme consacré pour un certain type d'institution dont la spécialité est la danse féminine à contenu vestimentaire réduit.

Hors dernièrement, le ‘boys’ club’ de la City s’est senti contraint à ouvrir, ou du moins entrouvrir, ces portes aux ‘girls’. Un petit nombre de femmes travaillent dans la City, ou du moins y sont employées : pour moi le verbe ‘travailler’ comporte le sens d’une activité productive, concept qui s’accorde mal à la notion que je me fais de la City.

Selon l’étude, ses femmes sont payées en moyenne 30% de moins que leurs homologues hommes. Et leurs bonus sont inférieurs de 80%.

C’est étonnant, n’est-ce pas ? Comme on connaît le secteur financier, n’aurait-on pas été en droit de s’attendre à un comportement bien plus galant, bien plus altruiste ?

Wednesday 9 September 2009

Une question de taille

Selon Oscar Wilde, ‘S'il est au monde rien de plus fâcheux que d'être quelqu'un dont on parle, c'est assurément d'être quelqu'un dont on ne parle pas.’

De ce point de vue, Nicolas Sarkozy doit être bien satisfait en ce moment. Les médias anglais, qui sont en général assez taciturnes au sujet de la France, parlent beaucoup de lui. Il est vrai qu’ils trouvent peu à dire de ces succès ou de ses initiatives géniales (ou initiatives tout court) et beaucoup plus de sa taille, mais au moins ils s’intéressent à lui.

Puisque la France a déjà plus qu’assez débattu ce sujet brûlant, je n’ajouterai pas de commentaire ici. Je me limiterai à dire que mon journal préféré, le Guardian, croit avoir dévoilé le secret d’état autour de la question de la taille présidentielle : il paraît qu’il mesure 1 m 68.

Du haut de mes 167 centimètres, je me demande de quoi il se plaint exactement, ce géant ?

Saturday 5 September 2009

La chance d’être Français

La France, pays que j’ai eu le malheur de quitter il y a quinze mois, est un pays de privilégiés.

Je l’ai constaté lors d’une visite récente, au cours de laquelle j’ai appris ce qui se passe par rapport à la taxe carbone. Je ne dirai rien sur les détails de la proposition, qui ne font pas l’unanimité des avis – loin s’en faut – car ce qui m’intéresse dans cette mesure c’est plutôt ce qu’elle nous montre de l’attitude du tout petit Président de cette grande République par rapport aux engagements. En en mot – Sarkozy les tient. Cette taxe, il l’avait promise ; il va la livrer. C’était d’ailleurs une promesse non tenue de son prédécesseur Chirac ; lui il la tiendra.

Mais si la droite française tient les promesses, la gauche remplit les attentes. Les Socialistes ont failli nous décevoir, en faisant une université d’été quasiment sans controverse. Mais depuis leur retour, chacun des dirigeants a retrouvé tout le venin qu’il réserve pour chacun des autres. Nous sommes tous soulagés – la nature reprend ses droits. Et la nature du parti socialiste est celle d’un parti qui trouve son compte en opposition, qui a compris que s’unifier amènerait le risque de gagner des élections et donc de faire passer au pouvoir l’un des leurs, ce qui priverait tous les autres d’y parvenir – et comme tout le monde sait, il est pire de subir le triomphe d’un rival que la victoire d’un adversaire.

Par contraste, en Angleterre il n’y a que déception. Nous avons tous espéré beaucoup de Gordon Brown. Notre premier souhait était qu’il ne soit pas Tony Blair. C’est le seul qui ait été exaucé. Il s’est avéré piètre communicateur, indécisif, toujours à la recherche de solutions minimales. Par conséquent, lorsqu’il fait bien, c’est souvent sous la contrainte de l’opinion publique et donc tout l’avantage de la réussite de ses mesures profite plutôt à ceux qui l’ont forcé à les adopter qu’à lui.

Résultat des courses : David Cameron du Parti Conservateur passera aux élections législatives de l’année prochaine. Il n’a pas encore eu l’occasion de bien décevoir, mais tous les signes sont bons : on s’attend de lui une déception tout aussi éclatante que celle que nous a donné le brave Gordon.

Le contraste entre la France et l’Angleterre ne pourrait donc être plus frappant. Dans la terre promise de l’Hexagone, on tient ses engagements. En perfide Albion, par contre, c’est la déception perpétuelle, très bien assortie à notre bruine et nos brumes.

Voilà sans doute pourquoi les Français sont si heureux de leurs hommes politiques. Et voilà pourquoi on rouspète si peu en France.