Sunday, 1 November 2009

De beaux jours pour les valeurs républicaines

On vient de vivre dix bons jours pour les valeurs républicaines. Il faut en profiter : ça n’arrive pas aussi souvent qu’on pourrait penser.

Il s’agit de valeurs qui sont très mal assis partout, autant dans les pays qui se veulent républiques, comme la France, que dans ceux qui s’accrochent aux vestiges d’un système monarchique, comme la Grande Bretagne. La tentation monarchique est aussi forte chez ceux-là que chez ceux-ci. Songeons à Mitterand et son double septennat, la longueur d’un règne tout à fait honorable, ou à Giscard d’Estaing et ses attitudes plus royalistes que le roi, et certainement tout aussi impérialistes que son cousin Bokassa I de l’Empire Centrafricain.

En France, on a frappé un coup dur contre le principe royaliste de l’héritage du pouvoir, lorsque le petit Prince Jean Sarkozy a renoncé de suivre son papa, notre président de taille Sarko Ier, à la tête de l’organisme qui gère le quartier de la Défense. Et la décision de poursuivre en justice Jacques Chirac est un coup contre l’impunité royale dont veulent se doter les présidents de notre époque (je pense à Richard Nixon qui déclarait que ‘si le président le fait, c’est légal’).

La plus grande offensive contre les hommes d’état qui se croient au-dessus des lois est en train de se dérouler en Italie, où notre chère Berlusconi a perdu l’immunité qu’il avait fait voter par son parlement.

C’est curieux. Parler de Berlusconi me fait penser à nouveau à Giscard : ce sont deux vieillards qui se font des fantasmes sur des jeunes femmes. Berlusconi arrive à vivre les siens, tandis que Giscard se limite à les mettre dans les pages d’un roman. Berlusconi s’en prend à des femmes vivantes (professionnelles ou volontaires), tandis que Giscard semble épris d’une femme morte depuis douze ans. Le fantasme est cependant le même, et je n’arrive pas à décider chez lequel des deux il est le plus malsain.

La plus grande victoire récente contre l’esprit monarchique ne concerne ni la France, ni l’Italie, mais la Grande Bretagne. On pourrait croire que ce pays n’avait gardé de la monarchie que sa forme, puisque la reine ne règne pas, c’est un gouvernement élu qui gouverne. Cependant, ce que la plupart même des Anglais ignore, c’est que l’autorité royale, si elle n’est plus détenue par la reine, est exercée par les ministres en son nom et à sa place. Donc si Blair a permis au parlement de débattre de la guerre en Irak, il n’était pas obligé de le faire. Son gouvernement avait le droit, sans référence à quiconque, de lancer un pays qui s’y opposait avec acharnement dans une guerre que presque tout le monde s’accorde aujourd’hui à qualifier d’illégale. Au moment des débats aux Nations Unies sur une résolution qui aurait autorisé l’action, le centre des renseignements britannique à Cheltenham a reçu la consigne d’obtenir des informations personnelles sur les membres de Conseil de Sécurité, dans l’espoir de leur faire de la pression pour adopter la résolution. Du chantage pour justifier une agression. Les couches de comportement criminel s’entassent.

J’avais plus ou moins abandonné tout espoir que Blair ait jamais à s’expliquer devant des juges sur son action illégale, qui a coûté la vie à entre 100,000 et un million d’Irakiens (l’incertitude est la suite du refus des pays de la Coalition de compter les morts civils). Mais j’étais au désespoir de penser qu’il pouvait être honoré de la première présidence du Conseil d’Europe. Heureusement l’intervention de Merkel, de Sarkozy et de Zapatero semble avoir mis fin à cette honte monstrueuse. Blair restera citoyen privé.

Et, qui sait, l’exemple de Chirac et de Polanski montre qu’il n’est peut-être pas à l’abri de la justice. Je n’ai jamais compris pourquoi un vieillard mérite d’être mieux traité parce qu’il a fait des films médiocres, ou a dirigé un gouvernement médiocre, pendant que d’autres vieillards pourris ou pédophiles ont à subir les conséquences pénales de leurs actions.

Blair devant des juges à la Haye ? Alors là, vraiment, on pourrait dire que les valeurs républicaines avaient obtenu une victoire fameuse.

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