Monday, 9 November 2009

Chute du Mur, chute des illusions

C’est dommage de gâcher ce qui devrait être un moment de joie, le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. Et pourtant, il y a quelques semaines, ici en Angleterre nous avons vu la publication de documents provenant des archives de Mikhail Gorbatchev. Les documents relatent les discussions entre les gouvernements anglais et français et les Sovétiques deux mois avant la chute du mur.

Nous lisons, par exemple, ces mots de Madame Thatcher à Gorbatchev : ‘Nous ne voulons pas d’une Allemagne unifiée. Cela changerait les frontières de l’après-Guerre et nous ne pouvons pas le permettre puisque une telle évolution remettrait en cause la situation internationale entière et pourrait mettre notre sécurité en péril.’ Et un peu plus tard, ‘Vous encouragez chaque pays à se développer à sa façon, à condition que le Pacte de Varsovie reste en place. Je comprends parfaitement cette position.’

Madame Thatcher ‘comprend’ la préservation du système du Pacte de Varsovie ? Un système ‘communiste’ ? un système profondément oppressif ? un système qui contraignait par la menace de la force les pays subordonnés à accepter la mainmise soviétique ? Et Thatcher semblait préférer ce système à la réunification allemande, démocratique voire profondément souhaitée par le peuple.

Les Français n’étaient guère mieux. Jacques Attali, conseiller de François Mitterrand, Président à l’époque, fait savoir que ‘la France ne souhaite certainement pas la réunification de l’Allemagne, même si elle sait qu’à la longue elle est inévitable.’ Plus éclairé que Thatcher, il accepte l’inévitabilité de la réunification, mais sans enthousiasme.


Français ou Anglais, de droite ou de gauche, les deux gouvernements ont en commun une préférence machiavélique de la raison d'état aux principes et une déloyauté profonde envers un allié supposé. Heureusement l'Allemagne Fédérale n’était pas du tout dupe : le ministre des Affaires Etrangères allemand de l’époque, Hans-Dietrich Genscher, a fait savoir que son gouvernement était bien au courant de l’opposition des Anglais et des Français, mais n’en était pas particulièrement perturbé, étant donné qu’il pouvait compter sur l’appui des Etats-Unis. La France et la Grande Bretagne sont plus proches, mais elles ne pèsent pas très lourd dans la balance…

Donc en regardant tous les hommes d’état se féliciter de la chute du mur et de la réunification de l’Allemagne dans la paix et la démocratie, n’oublions pas que leurs prédécesseurs prenaient une position bien différente – en réalité et en secret. Est-ce que les hommes politiques actuels se seraient mieux comportés ?

L’Allemagne est à nouveau unifiée. Mais cette histoire peu édifiante nous fait comprendre que l’unification suivante, celle de l’Europe, risque de se faire attendre encore un petit moment.

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