Saturday 19 September 2009

Mésentente cordiale

A l’époque communiste, un journaliste occidental a demandé à un Tchèque, ‘Pour vous, les Russes sont-ils vos frères ou vos amis?’ ‘Nos frères,’ a répondu l’autre, ‘on choisit ses amis.’

On ne choisit pas ses cousins non plus, et je trouve que les Français ont des rapports de cousin avec les Anglais, proches mais tendus. Nous n’arrivons pas à oublier la guerre de cent ans (série gagnée par la France, malgré plusieurs défaites cuisantes) ou les guerres napoléoniennes (série gagnée in extremis par les Anglais, avec de l’aide externe).

La rivalité se retrouve même au niveau linguistique. J’adore l’expression ‘traduit de l’américain’ que je retrouve dans certains livres en français. Le mot ‘américain’ traduit le terme américain ‘English’, langue que les Américains croient parler. Et si je me permets un rare moment d’objectivité – cela m’arrive parfois, malgré moi – ils maîtrisent souvent mieux la langue que pas mal d’Anglais.

‘Traduit de l’américain’ veut dire, par exemple, que le mot ‘couleur’ dans la version française traduit ‘color’ dans l’original au lieu de ‘colour’. Comment expliquer le désir de souligner ce fait autrement que par la volonté de bien se distinguer des Anglais ?

C’est un désir entièrement réciproque. Connaissez-vous le roman d’espionnage d’Erskine Childers, The Riddle of the Sands ? A l’époque, en 1903, Childers était fonctionnaire anglais et le roman devait non seulement divertir ses lecteurs par ses moments forts et son suspens, mais aussi alerter les Anglais au risque qui pesait sur le pays. La Grande Bretagne était bien défendu contre son ennemi traditionnel, la France, malgré 90 ans de paix. Elle n’avait presque pas de protection contre l’Allemagne, d’où venait la vraie menace, à onze ans de la première guerre mondiale.

Curieusement, tout en étant fonctionnaire anglais, Childers était d’origine irlandaise. Le pays qu’il s’efforçait de défendre était le même qui opprimait son pays natal. Il est rentré dans celui-ci au moment de l’indépendance et, pour récompense, s’est fait fusiller par l’un des camps (irlandais) de la guerre civile qui a suivi. Avec des ironies pareilles, je n’ai jamais compris ceux qui ne trouvent pas l’histoire passionnante.

A propos, le roman de Childers est disponible chez amazon.fr sous le titre L'Enigme des sables. Traduit de l’anglais (l’irlandais étant une autre langue).

La France est le pays le plus proche de l’Angleterre. Presque tout Anglais qui ait jamais quitté le pays connaît la France. En revanche le grand Sarkozy, en tant que candidat à la Présidence, est venu en campagne à Londres, qu’il qualifie de septième ville française du monde.

Il s’agit à mon avis de deux pays liés par leur mésentente cordiale.


Au moins nos confrontations se limitent aujourd’hui aux pelouses de rugby. Où dans la série de rencontres depuis le début de ce siècle, l’Angleterre mène neuf à sept. Fait que je ne cite que par souhait d’offrir des informations précises et complètes à mon public, comme se doit un blog de service public comme le mien.

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