Friday 25 September 2009

Mali: belle ironie

C’est curieux qu’au Mali l’opinion publique ait poussé le Président Amadou Toumani Touré à reculer sur la nouvelle loi sur la famille. C’est encore plus curieux étant donné que parmi les dirigeants des manifestations étaient de nombreuses femmes et la loi mettaient fin, entre autres choses, à l’obligation légale des femmes d’obéir à leurs maris. Et je précise : elle n’empêchait pas aux femmes d’appliquer cette obligation, elle sortait cette obligation du giron de la loi. C’est la cause de la colère des manifestants : dans un pays dont 85% de la population est musulmane, c’est précisément le désir de séparer le rôle de l’état de celui de la religion (le projet de loi faisait également du mariage une institution laïque) qui a choqué.

Et le comble du curieux dans cette histoire c’est que cette séparation, si importante dans le monde occidental, si controversé dans le monde Islamique, doit ses origines à un des grands maîtres à penser de l’Islam.

La séparation de la foi et de la raison a atteint son apogée avec les grands progrès de la science au dix-huitième siècle. Elle est peut-être à son comble dans le dialogue célèbre de Napoléon, qui demande au scientifique Laplace pourquoi Dieu ne paraissait pas dans un livre qu’il venait de publier et reçoit la réponse, ‘Je n'avais pas besoin de cette hypothèse-là.’

Les origines de ce mode de pensée sont cependant bien plus anciennes, et remontent à un des grands saints de l’église, Thomas d’Aquin. C’est lui qui a voulu refonder le Christianisme sur des bases Aristotéliennes, ce qui l’amène à proclamer la validité de l’étude de la Nature à côté de celle des choses spirituelles. Cela paraît anodin mais en réalité il cache un danger profond : dès qu’on sort l’étude de la Nature, donc la Science, et plus généralement la pensée rationnelle, de sa subjugation à la foi on se lance sur un chemin qui risque de faire de Dieu une croyance facultative. Ce qui nous mène à Laplace.

Ce n’est donc pas étonnant que Thomas d’Aquin, avant sa canonisation, a été condamné pour hérésie. Mais l’église a changé d’avis, Thomas a été promu saint, et nous voilà avec le principe de séparation de la vie civile de la foi.

Et où est-ce que Thomas a appris les principes aristotéliens ? Surtout en lisant les commentaires sur le philosophe Grec écrits par Averroés, grand maître de la pensée Européenne et Musulman de la ville, Arabe à l’époque, de Cordoue en Espagne.

Or si les Catholiques ont compris qu’Aristote était dangereux lorsque Thomas adoptait sa pensée, vous pensez bien que les Musulmans ont compris la même chose chez son maître Averroés. Il a été exilé au Maroc et la porte qu’il avait ouverte a été fermée pour ses coreligionnaires, même si elle resta ouverte chez ses disciples chrétiens.

Donc au Mali on assiste au heurt entre les principes de base de la religion d’Averroës, et les principes auxquels ont amené ses propres idées.

Belle ironie, n’est-ce pas ?

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