Friday 11 June 2010

La France et l'Angleterre : la guerre souligne leur ressemblance

Je viens de terminer un livre assez curieux, The Making of Modern Britain par Andrew Marr. L’auteur est présentateur à la BBC et le livre est en fait tiré d’une série télévisée qu’il avait consacrée à l’histoire de la Grande Bretagne au vingtième siècle. Livre de vulgarisation, bien sûr, mais bien conçu et bien écrit, il fournit de temps en temps des aperçus qui m’ont interpellé. C’était le cas, en particulier, de ce qu’il m’a appris sur l’idée assez mitigée que se faisait Churchill sur le comportement du soldat britannique pendant la deuxième guerre mondiale.

Or il est depuis longtemps à la mode chez les Anglo-Saxons de se moquer royalement de l’esprit martial français. Pour nous, la principale stratégie militaire française en face de l’ennemi est la capitulation. Nous nous racontons l’histoire du général Weygand qui, après la capitulation de mai 1940, avait annoncé qu’avant septembre, l’Angleterre aurait ‘le cou tordu comme un poulet’. Churchill répond dans un discours devenu célèbre : ‘some chicken’ (pause, quelques applaudissements) ; ‘some neck’ (délire dans la salle).

Remarquons au passage que Weygand parle de l’Angleterre, en oubliant que le Royaume Uni comporte trois autres nations. Et pourtant les Ecossais ne se lassent jamais de parler de leur ‘vieille alliance’ avec la France, dirigée bien sûr contre l’ennemi commun anglais. Quelle honte que certains Français ne semblent même pas faire la différence entre l’Angleterre et l’Ecosse (ceci dit, ce manque de respect envers les Ecossais est loin d’être ce qu’il y a de plus honteux dans la carrière de Weygand).

Donc le mythe veut que l’Angleterre (avec un certain soutien de l’Ecosse, du Pays de Galles, de l’Irlande du Nord, pour ne pas parler du Canada, de l’Australie, de l’Inde, et ainsi de suite) a soutenu seule le combat contre l’Allemagne hitlérienne de mai 1940 jusqu’en décembre 1941, moment de l’arrivée – tardive comme d’habitude – des Etats Unis dans la guerre.

Comme tous les mythes, il a sa part de vrai. La population civile, comme en France, a fait preuve d’un grand courage et a subi des privations et des souffrances réelles pour tenir jusqu’à la fin. Mais il a aussi sa part de faux. L’armée britannique s’est fait battre par des forces inférieures en nombre, allemandes en Afrique du Nord et japonaises à Singapour. Sir Alexander Cadogan, du Ministère des Affaires Etrangères, écrivit dans son journal de bord ‘Nos soldats sont des amateurs lamentables, en face de professionnels’ et ‘notre armée est un objet de dérision du monde entier.’

Il paraît que le soldat britannique n’était pas plus apte au combat aux années quarante que son homologue français. Tout ce qui séparait le destin des deux pays n’était peut-être que ce qui les séparait physiquement, l’obstacle a l'invasion que représentait la Manche.

Est-ce que cela devrait nous étonner ? Les deux pays étaient exsangues après la Grande Guerre, vingt ans auparavant. En Grande Bretagne, les hommes politiques disaient de cette guerre qu’elle allait nous amener ‘un pays digne de héros’. En fait ces héros avaient connu le chômage, la misère, même la faim. C’était le moment où deux empires tiraient à leur fin, deux empires qui n’avaient profité que marginalement à leur peuple. Et ces mêmes peuples devaient se lancer vers de nouveaux sacrifices avec enthousiasme ?

Pour moi ce n’est pas du tout étonnant que ce soit les Russes et les Américains qui ont mis de l’acharnement dans les combats. Les uns étaient aux abois, les autres avaient derrière eux une société en plein essor.

Il faut leur être reconnaissant de nous avoir sortis de nos difficultés mais je comprends entièrement ces pauvres poilus, ces pauvres Tommys, qui n’ont pas fait preuve d’un zèle égal au leur. Une fois par génération, des chefs les envoyaient au Calvaire au nom de structures impériales dépassées et qui ne profitaient de toute façon qu’à eux.

Ils en avaient franchement marre. Ils avaient raison.

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