Sunday 27 June 2010

La ressemblance franco-anglaise et l'histoire du colonialisme

Le 30 janvier 1972, des parachutistes anglais ont fait irruption dans la quartier du Bogside, dans la ville de Derry de l’Irlande du Nord. A la fin de l’après-midi, treize civils avaient été tués (un quatorzième est mort par la suite de ses blessures).

Le 30 janvier était un dimanche, et le jour est entré dans l’histoire sous le nom de ‘Bloody Sunday’.

Trente-huit ans plus tard, le 15 juin 2010, nous avons appris les conclusions d’une enquête menée par Lord Saville sur plus de dix ans, et qui a décidé que les victimes du 30 janvier avaient été tuées illégalement. Les parachutistes pourraient désormais se trouver poursuivis pour meurtre.

En 1972, l’IRA, l’armée irlandaise républicaine, était moribonde. Le soir même de ce dimanche-là, des centaines de jeunes hommes se portèrent volontaires, dont Martin McGuiness, aujourd’hui Premier Ministre Adjoint dans le gouvernement de l’Irlande du Nord. Ce renouveau de l’IRA garantit que les ‘Troubles’ allaient durer encore 25 ans et coûter la vie à 3500 personnes.

Il a fallu 38 ans pour en arriver là. Et le pire est que ce n’était même pas le premier ‘Bloody Sunday’ de l’histoire tragique de la présence anglaise en Irlande. Dimanche 21 Novembre 1920, l’IRA tua quatorze agents britanniques à Dublin. L’après-midi, des soldats ouvrirent le feu sur le public à un match de football Gaélique, en tuant quatorze civils – l’égalité du nombre était sans doute une coïncidence étant donné que les soldats tirèrent plus ou moins arbitrairement dans la foule. Les soir, trois prisonniers moururent assommés par des gardes qui empêchaient leur ‘tentative d’évasion.’

Mais ce genre d’événement n’est pas du tout limité à l’Irlande ou à l’impérialisme britannique. Pierre Vidal-Naquet, l’historien français mort en 2006, estimait qu’il y a eu des centaines de milliers de victimes de torture par l’armée pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie. L’impact de ces événements a été presqu’aussi dévastateur pour les soldats que pour leurs victimes. Un des cousins de ma femme est parti au service militaire jeune, joyeux et dynamique ; il est revenu terne, déprimé, suicidaire. Il est mort trop jeune, alcoolique, divorcé et ayant été incapable de se bâtir une carrière égale au potentiel qu’il avait affiché avant son départ en Algérie.

Dans un blog précédent j’avais parlé de la ressemblance des Anglais et les Français en 1940, surtout dans leur manque d’enthousiasme pour une nouvelle guerre si peu de temps après la fin de celle d’avant, si sanglante. J’avais écrit que ‘c’était le moment où deux empires tiraient à leur fin, deux empires qui n’avaient profité que marginalement à leur peuple.’ L’empire britannique à son plus haut point avait généré autour de 10 livres par an par personne, une somme infime.Il avait fourni le moyen de faire fortune à une très petite minorité ; c’était pourtant la vaste majorité qui avait souffert pendant la Grande guerre et qu’on appelait à de nouveaux sacrifices en 1940. Des sacrifices de la part de gens modestes, au nom de puissances impériales qui avaient tenu très peu de promesses à leur égard.

Ce n’était pas très inspirant, et cela explique, à mon avis, le manque d’engouement des soldats anglais et français en 1940 et les défaites qui s’ensuivirent.

Deux empires qui n’inspiraient plus grand’ chose chez leurs citoyens, et qui se comportaient avec brutalité envers leurs sujets. Une image pas très édifiante, plutôt à oublier aussi vite que possible qu’a fêter.

Il est donc curieux que dans les deux pays des hommes politiques et des historiens revendiquent un revalorisation de l’histoire impériale de leur nation, en montrant les bienfaits du colonialisme. En France, c’était la loi du 23 février 2005 imposant l’enseignement du ‘rôle positif de la colonisation française Outre-mer’. En Grande Bretagne, c’est la décision de notre nouveau gouvernement de donner à Niall Ferguson, historien révisionniste, la tâche de réformer l’enseignement de l’histoire dans les écoles anglaises avec le but de valoriser le rôle de la culture européenne et ses empires en façonnant la civilisation mondiale actuelle.

Il s’agit de deux empires dont la fin sanglante a suivi un échec militaire historique. Est-ce que certains de nos politiques sont si dépourvus d’idées nouvelles qu’ils doivent en chercher des anciennes dans une source aussi triste ?

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