Monday 21 December 2009

Les Aléas d'Eurostar – et de Silvio

Quelle affreuse histoire, celle des passagers d’Eurostar bloqués pendant des heures entre vendredi et samedi à cause des intempéries. Et encore aujourd’hui, lundi, le service a été perturbé – même si on est arrivé au solstice, le grand tournant de l’hiver, et on se dirige à nouveau vers l’été.

Le pire de cette histoire c’est qu’on ne sait pas au juste ce qui a provoqué la difficulté. Côté anglais, Eurostar a annoncé que c’était à cause de la différence de température entre l’extérieur et l’intérieur du tunnel. Curieuse explication. Est-ce qu’aucun ingénieur ne s’était douté qu’une telle différence puisse se produire ? Est-ce qu’ils n’ont travaillé que l’été ? Le Times de Londres remarque à juste titre que ‘les ingénieurs auraient dû anticiper ces problèmes’, et même Nicolas Petrovic, directeur adjoint d’Eurostar – basé en France, lui – a déclaré ‘Nos trains, depuis quinze ans, sont préparés pour ça puisqu'on a de la neige régulièrement et généralement, on n'a pas de problèmes’. Eh, oui. Ces flocons blancs qui descendent du ciel – ce n’est pas tout à fait sans précédent à cette saison.

On a donc deux explications possibles des événements : l’incompétence des ingénieurs ou l’ignorance des certains cadres d’Eurostar, incapables d’expliquer le problème. A vous le choix.

Autre aspect curieux de cette affaire pitoyable : des rumeurs circulent que si 2000 personnes sont restées bloquées dans le train, une au moins a pu s’en sortir. Il paraît que Claudia Schiffer vit à Londres et prend souvent l’Eurostar pour aller travailler chez L’Oréal à Paris. Selon les rumeurs, ce jour là elle était bloquée avec les autres mais une voiture est venue la chercher, directement à côté du train. Il paraît que si la patience est une vertu, la beauté triomphe de tout. Celle d'une belle femme ou peut-être d'un beau portfeuille.

Pour ma part, ce qui m’inquiète le plus dans cette histoire c’est son côté symbolique, concernant les rapports entre la France et l’Angleterre. Il semble qu’ils marchent relativement bien tant que tout est au beau fixe, mais dès que l’atmosphère se dégrade, les liens se cassent à nouveau.

C’est la tragédie historique de nos deux pays. Et quel lamentable destin pour la France de se trouver isolée de cette manière.


Postscriptum sans rapport : le pauvre Berlusconi, qui est en train de se remettre de l’agression dont il a été victime, déclare que l’atmosphère de haine dans son pays exerce une influence déplorable sur les faibles d’esprit. Il a raison de réclamer qu’on fasse le possible pour atténuer cette haine ; par contre, j’ajouterai qu’il faudrait à l’avenir faire tout pour empêcher les faibles d’esprit d’arriver au poste de premier ministre.

Wednesday 16 December 2009

Exilée de Paris, elle s’ennuie

Eh, oui. C’est désolant. Elle s’ennuie la pauvre Rachida Dati. La vie de député du parlement européen ne l’enthousiasme pas. Et malheureusement elle en parle un peu trop ouvertement – un peu trop, surtout, lorsque elle porte un micro allumé.

Et pourtant – à quoi s’attendait-elle ? Elle croyait peut-être qu’en l’envoyant à Bruxelles Sarko-le-Grand tenait à lui faire un cadeau ? Pour la récompenser de quoi ? De sa compétence en tant que ministre ? De sa discrétion ?

Hélas, non, Rachida. C’était une punition. Pour t’apprendre à te taire. Et voilà qu’on recommence à parler de toi – même dans les journaux anglais, et Dieu sait qu’on ne s’intéresse pas autant que ça aux faits divers français de ce côté-ci de la Manche :

Guardian: Rachida Dati

Ce n’est pas ainsi qu’elle se fera pardonner et ramener à Paris, à la belle vie, aux soirées magnifiques, aux photographes, aux chaînes de télévision. Eh, non. En criant si fort qu’elle s’ennuie, Rachida ne s’attire que des ennuis supplémentaires.

Ceci dit, je la comprends quand même. Mon père et sa famille ont grandi à Bruxelles, j’ai des cousins qui y habitent toujours, mais je dois avouer que de toutes les capitales européennes que je connaisse, c’est celle que j’ai toujours trouvée la plus morne. Comme pour Rachida, pour moi c’est une ville ennuyeuse.

Par contre, pendant dix semaines par an le parlement européen se réunit à Strasbourg. Cela devrait compenser le temps perdu à Bruxelles.

Car a Strasbourg, il n’y a que les ennuyeux qui s’ennuient.

Monday 14 December 2009

La listomanie

Depuis quelque temps, le souhait des listes, innocent en lui-même innocent, est devenu presque obsessif dans le monde anglo-saxon. On a les cent meilleurs films de tous les temps, les plus grands sportifs, les meilleurs romans de l’année, de la décennie voire du siècle, et ainsi de suite. Ce sont en général des revues ou des émissions qui publient ces listes, mais de temps en temps elles consultent leurs lecteurs ou spectateurs avant, et c’est eux qui élisent les noms qui y figurent.

C’était le cas, notamment, de la liste des plus grands personnages de l’histoire britannique, intéressante uniquement par sa prévisibilité : les téléspectateurs n’ont choisi ni celui qui est devenu l’un des plus grands poètes du monde, Shakespeare, ni l’un des plus grands scientifiques de tous les temps, Newton, ni même un des principaux bienfaiteurs de la race humaine, l'inventeur de la vaccination Edward Jenner, dont certains disent toujours que personne n’a sauvé plus de vies que lui.


Non, ils ont bien sûr choisi Churchill, préférant le leader de guerre, même s’il a été à l’origine de plusieurs décisions militaires désastreuses : dans la première guerre, le débarquement à Gallipoli qui s’est soldé par un échec total après avoir coûté la vie à 131 000 hommes ; dans la deuxième, le débarquement à Narvik qui a coûté sa liberté à la Norvège et le débarquement (décidemment, c’était un vrai récidiviste) en Italie, début d’une campagne de presque deux ans qui n’était toujours pas venu à bout des Allemands à la fin de la guerre : Kesselring défendait encore des positions sur le versant italien des Alpes.

Mais ‘100 Greatest Britons’ est déjà vieux – c’était une série de la BBC qui date de 2002. Depuis on a eu de plus en plus de listes, surtout en fin d’année ; là, en fin de décennie, nous allons en baver. Dernièrement, on a même eu des listes de listes – les dix listes les plus intéressantes de la décennie, etc.

En général, j’essaie de ne pas faire attention à tout cela. Mais j’ai quand même été frappé par une liste récente – celle de la revue américaine, Forbes, des 67 personnes les plus puissants du monde. Pourquoi 67 ? C’est un personnage par 100 million d’habitants de la Terre.

En tête de liste se trouve, bien sûr, Barack Obama. On ne peut contester sa puissance, comme le prouvent quotidiennement les Talibans en Afghanistan. Ensuite paraît le président Chinois, dont la renommé est démontrée par le fait que je ne me souviens pas de son nom. En troisième place, il y a Vladimir Poutine, qui a tant de puissance qu’il doit la cacher derrière le poste de premier ministre, d’où il tire les ficelles du président pantin Medvedev.

Et en quatrième place ? Evidemment, Sarko le grand. Eh, ben, non. C’est Ben Bernanke chef de la banque centrale américaine. Ensuite il y a tout une série d’hommes d’affaires, hommes des médias ou papes (ben, un seul de ces derniers), avant qu’on n’arrive au premier politicien Européen, à la douzième place. Et ce n’est toujours pas Sarko : c’est Belusconi, grâce à sa position de premier ministre, roi en voie de fabrication et chef des médias. Angela Merkel est à la place 15, Kim Jong Il, dictateur de la Corée du Nord à la 24. Osama bin Laden est numéro 39 et deux places plus loin, Joaquín Guzmán, narco-trafiquant mexicain.

Quoi, un trafiquant de drogues avant notre grand Président ? Hélas oui. Il n’arrive qu’en 56ème position. Même Gordon Brown, qui ne figurera certainement pas dans la liste l’année prochaine, est à la place 24. Et le plus navrant ? A la place 47, neuf places avant Sarko, se trouve – Dominique Strauss Kahn.

Quelles bêtises que ces listes. J’ai honte d’y avoir passé autant de temps.

Monday 7 December 2009

Sarko victime de la mésente cordiale

Qu’est-ce qu’ils peuvent être pénibles ces Anglais !

Ils ont décidé de bouder le grand Sarko qui avait prévu de faire une visite éclair à Londres cette semaine. Après tout, avec la livre où elle est, c’est vraiment le moment de faire ses courses de Noël à Regent Street ou Piccadilly.

Et les Anglais ont dit ‘non’. Il paraît qu’ils ne sont pas contents, eh non, pas contents du tout, des propos de Sarko au sujet de la victoire française sur le système financier ‘anglo-saxon’, suite à la nomination de Michel Barnier comme nouveau Commissaire européenne.

‘Si c’est comme ça,’ semblent dire ces gens si mal-élevés de Downing Street, ‘vous ne viendrez pas prendre votre tasse de thé et vos scones avec notre Gordon national.’

Evidemment, tout haut ils l’ont exprimé autrement : ils ont eu la fausse délicatesse de chercher comme excuse l’emploi de temps prime-ministériel surchargé. En fait, c'est en rajouter puisque personne n'est dupe d'un tel prétexte : pour Sarko-le-Grand, on trouve toujours un créneau dans un agenda, surchargé ou non.

Hélas, on ne peut conclure que c’est encore une triste page de l’histoire de la mésentente cordiale qui tourne.

Sarko est contraint à abandonner son projet de visite à Londres et devra se contenter de voir le Président du Bénin à la place. Triste sort. Cela me fait penser à un vieux couplet du temps des esclavagistes :


Beware, beware the Bight of Benin:
One comes out where fifty went in

(Attention, attention à la Baie du Bénin : un seul revient où cinquante sont entrés).

Et le plus triste ? Il ne s’agit même pas d’un anglais qui tourne le dos ainsi à Sarko. Gordon Brown est Ecossais. Et si même les Ecossais, avec leur ‘Auld Alliance’, leur vieille alliance avec la France (et contre l’Angleterre) ne veulent pas de Sarko, on sent que les choses sont descendus bien bas, bien bas.

Que faut-il pour sortir de cette impasse ? J’ai du mal à voir la solution. Ce n’est évidemment pas par un manque de charme côté français qu’on puisse expliquer ce petit contretemps : après tout, que peut on imaginer au monde de plus séduisant que notre cher Président ?

Friday 4 December 2009

Vive les magistrats!

J’adore les magistrats. Dans nos différents pays, il me semble parfois qu’il n’y a qu’eux à nous séparer de l’anarchie. L’anarchie ? Que dis-je ? Le barbarisme.

En Italie, c’est bien sûr les magistrats qui trouvent que Berlusconi a quelques comptes à rendre sur son comportement un peu royaliste, ou un peu beaucoup. D’ailleurs, il y a même son ami Gianfranco Fini, président de la Chambre des Députés, qui a tenu des propos peut-être légèrement trop francs, devant un microphone allumé. Berlusconi, dit-il, confond le leadership avec la monarchie absolue. Il félicite les magistrats italiens, plutôt injuriés par Berlusconi, pour leur détermination à continuer de poursuivre ‘il Cavaliere’. C’est curieux, me direz vous, comme comportement de la part d’un ami ; quand vous cherchez vos amis, répondrais-je, dans les rangs de l’ancien parti néo-fasciste italien, faut pas trop s’étonner.

En France, entretemps, certains magistrats s’obstinent à croire que malgré les années qui se sont écoulées, Jacques Chirac aurait lui aussi des comptes à rendre concernant les moyens qui l’ont conduit au pouvoir. Ce serait déjà quelque chose si on établissait le principe que, tout monarchique qu’on puisse être lorsqu’on occupe le poste, une fois qu’on est parti on est sujet aux mêmes lois que les autres. Attention, Sarko le Grand !

Et en Angleterre, on enquête sur les circonstances qui nous ont amenés vers l’invasion de l’Iraq. Dernièrement, les témoins commencent à cerner de plus en plus près Lord Goldsmith, qui à l’époque occupait un poste à peu près équivalent à celui du Garde des Sceaux. En juillet 2002, il soumet un document à Blair lui soulignant qu’une guerre contre l’Iraq serait illégale ; sa récompense a été de se faire exclure des réunions du cabinet pendant six mois et de se faire harceler par ses collègues, au point où il a apparemment perdu presque 20 kilos de poids (donc la persécution de Tony n’a pas été complètement sans avantages). Juste avant l’invasion de mars 2003, Goldsmith soumet un deuxième document où, semble-t-il, il émet un jugement plus mitigé.

Va-t-on enfin savoir pourquoi il a changé d’avis ? Ou, plutôt – puisque la raison on la sait depuis toujours – va-t-on enfin avoir la confirmation de ce qu’on sait déjà ?

Et surtout est-ce que la culpabilité de Blair sera enfin clairement établie ?

A suivre. Avec impatience.

P.S. Est-ce que c’est le moment de faire une nouvelle version de Huis Clos croisé avec En attendant Godot qui mettrait en scène trois copains de cellule, anciens chef de gouvernement italien, français et anglais ?

Beau rêve, n’est-ce pas ?