Saturday 31 July 2010

Corridas catalanes et romaines

Les choses bougent en Europe du Sud. La Catalogne rejette les corridas ; par contre, en Italie une vieille bête est obligée de se traîner devant un matador habile qui lui inflige un coup peut-être fatal. Cela peut sembler incohérent, mais je suis ravi des deux nouvelles.

J’adore le terme ‘tauromachie’. Son origine grecque lui donne un air érudit, presque intellectuel. Et pourtant ce qu’il représente est un soi-disant sport qui consiste a rendre fou une bête par la torture et ensuite la mettre à mort. Il est curieux qu’elle trouve encore des défenseurs. Je salue donc la Catalogne d’avoir pris la décision de l’interdire à partir de janvier 2012. L’Espagne est si moderne dans tant de ses valeurs, mais en ce qui concerne cette tuerie elle refuse de sortir de la barbarie. Qui sait. Peut-être que dans quelques années elle se laissera moderniser également de ce point de vue, en suivant l’exemple de cette belle région – désolé : nation – je ne veux surtout pas vexer les Catalans.

Entretemps, en Italie Berlusconi approche de son moment de la vérité. Son matador présumé ? Un ancien collaborateur et allié, ancien leader du parti postfasciste, Gianfranco Fini. C’est un personnage remarquable, qui s’est réinventé comme porte-parole d’une centre-droite plutôt libérale. Et je veux dire ‘libéral’ autant du point de vue social qu’ économique.

Cette histoire me rappelle le soir où un ami français est venu me rejoindre dans la petite ville d’Aoste, traditionnellement francophone quoique Italienne. Il souriait et je lui ai demandé la raison.

‘A la frontière,’ m’a-t-il dit, ‘j’ai demandé si je pouvais changer des francs en lires quelque part malgré l’heure tardive.’ Et oui, c’était au mauvais vieux temps avant Schengen et la monnaie unique. ‘Le douanier m’a répondu « tutto si può »’.

‘Tutto si può’. Tout est possible. Cela devrait être la devise italienne. Convertir un fasciste en défenseur des valeurs républicaines ? En Italie, cela n’a rien d’impossible.

En tout cas, si le coup est porté à Berlusconi, pourquoi s’interroger sur sa source ? Au moins lui a des moyens de se défendre bien plus solides qu’un pauvre taureau blessé. Et sa chute nous priverait de quelque chose de bien moins utile.

Une corrida à ne pas interdire, voire à encourager ? Celle, métaphorique, où Berlusconi serait la victime. Aiguise bien ton épée, Fini.

Monday 26 July 2010

Libertés : la majorité doit protéger celles des minorités

Est-ce qu’il est temps que la lutte pour les droits de l’homme passe à un autre stade supérieur ? Au moins dans les pays démocratiques ?

Je pose la question parce qu’il me semble que la plupart des droits fondamentaux sont plus ou moins acquis de nos jours. Par cela je ne veux pas dire qu’on peut baisser la vigilance : acquis ou non, tout droit peut nous être retiré et il faut être prêt à le défendre. Mais je trouve qu’il y a d’autres droits que nous sommes loin d’avoir obtenus et pour les obtenir, il faut une lutte bien plus dure puisqu’elle se passera d’abord et surtout à l’intérieur de chacun d’entre nous.

Pour ce qui concerne les droits fondamentaux, prenons comme exemple la liberté d’expression, dont Sören Kierkegaard disait que c’est celle que les gens exigent pour compenser la liberté de pensée qu'ils préfèrent éviter. Kierkegaard n’avait peut-être pas tort, mais il me semble quand même que la liberté d’expression reste essentielle. Il faut pouvoir dire au pouvoir tout ce qu’on pense de lui, même si en face on ne nous écoute pas.

Il est donc important de défendre cette liberté. Si un journal danois publie des dessins de Mahomet, la presse française a le droit de les reproduire. Mais c’est là qu’on passe au prochain stade de la lutte pour les libertés. Car qui dit ‘droit’ ne dit pas ‘obligation’. Si on a le droit de mettre les dessins danois à la une de nos journaux, on a également le droit de dire ‘oui, d’accord, mais est-ce que cela aurait vraiment une utilité quelconque ? Ou est-ce que leur seul but est d’emmerder la minorité musulmane ? Si on se montrait moins mal élevés que les Danois et ne les publiait pas ?’

En fait, c’est là ce que je vois se définir la prochaine étape de l’évolution des droits de l’homme. On a établi le principe que c’est la majorité qui décide de la composition du gouvernement, c’est la majorité qui décide des lois, c’est la majorité qui donne à la société une forme à son image. C’est un énorme progrès qu’on en soit arrivé là, que ce ne soit plus quelques nobles et quelques ecclésiastiques qui prennent toutes ces décisions. Mais la prochaine étape est celle où la majorité qui se montre plus éclairé, et surtout plus généreuse, que la minorité dont elle a pris l’autorité. Bref, elle se montrera résolue à défendre les droits de la minorité, des minorités, aussi farouchement que les siens.

En France, elle comprendra que le souhait de 1800 femmes de porter le niqab est un droit à respecter, pas un abus à réprimer. En Angleterre, elle comprendra que la liberté d’expression ne s’applique pas uniquement à ceux dont les idées sont conformes aux notres. Rien ne serait plus facile que d’accorder des droits à ceux qui exprime nos propres idées ; le défi est d’accorder les mêmes droits à ceux qui nous interpellent, que ce soit des députés européens britanniques d’extrême droite invités à s’exprimer sur la BBC, ou des islamistes revendiquant un nouveau califat.

Ceci dit, agir contre des minorités minuscules ne coûte pas grand’ chose aux gouvernements et distrait bien leurs concitoyens d’autres questions, peut-être plus troublantes, telles que le chômage, la dégradation de nos services publiques ou les inégalités de nos sociétés. Peut-être que pour nous aussi c’est plus facile d’interdire le niqab ou nier le droit à la parole à des extrémistes que de faire face aux vraies difficultés de base auxquelles nous sommes confrontées.

La question est de savoir si ce sentiment de confort vaut ou non l’abandon de principes fondamentaux de la liberté universelle.

Tuesday 13 July 2010

Sarko : les affaires financières font honneur à la France

Vertigineuse, cette chute dans les sondages de l’excellent Monsieur Sarkozy.

Gros titre de Libération : ‘Sondage : Sarkozy chute de 13 points’. Mais là ses avis favorables étaient à 41%. C’était en février 2008.

‘Sarkozy au plus bas’ titrait Le Monde. Mas il était encore à 38%. Quand ? en février de cette année.

Aujourd’hui il n’y a que 32% des Français qui lui font confiance. Même Martine Aubry le devance – Martine Aubry. S’il ne réussit rien d’autre, c’est déjà un exploit de la part de Sarkozy d’avoir rendu Aubry éligible.

Le plus étonnant, vu de l’Angleterre, est le dernier chapitre de cette série passionnante d’accidents à s’être déferlés sur Sarko-le-Grand. C’est l’histoire des 150 000 euros qui auraient, ou qui n’auraient pas, été versés par Liliane Bettencourt à l’UMP avec ou sans l'aide d'Eric Woerth.

Quelle hommage à la probité des Français ! En Angleterre, Michael Ashcroft, une des forces du parti Conservateur et aujourd’hui une des ses vice-présidents, est devenu Baron et membre de la Chambre des Lords en 2000. Officiellement domicilié à Belize depuis des années, il ne payait d’impôts que sur une partie minime de son revenu. Il s’est engagé a régulariser ses affaires fiscales, en contrepartie de son élévation aux Lords.

Mais régulariser ne veut pas nécessairement dire mettre fin à l’arrangement avec Belize qui lui permettait de mettre une si grande partie des ses revenus à l’abri de toute fiscalité. Ce n’est que depuis une semaine, et sous la menace de se voir exclu des Lords, qu’il ait accepté de se faire officiellement domicilier en Grande Bretagne et donc payer ses impôts. En tant que membre d’une des Chambres du Parlement, il comptait légiférer pour nous tous, y compris sur notre fiscalité, sans y être sujet lui-même.

Pendant ses dix ans de pouvoir sans obligation, il a donné, ou du moins une de ses sociétés a donné, 5,1 million de livres au parti Conservateur.

Et la bagatelle de 150 000 euros fait un tel scandale en France ? Quel honneur à la France et son engagement envers une transparence financière parfaite.