Saturday, 8 May 2010

Kehl, Strasbourg, le 8 mai

Ah, le 8 mai. Un jour qui me remplit de nostalgie. Jusqu’à 2006, nous habitions Kehl, petit bourg du Sud-ouest de l’Allemagne en face de Strasbourg de l’autre côté du Rhin, où nous espérons retourner un de ces beaux jours.

C’est une ville qui joue depuis longtemps un rôle important dans la vie française. D’ailleurs, elle a souvent été au moins en partie française : la France avait pendant longtemps un bastion côté allemand qui lui permettait de protéger l’accès au pont sur le Rhin qui menait en territoire français. Ce territoire, c’était l’Alsace, française à l’époque et à nouveau aujourd’hui mais longtemps convoitée par l’Allemagne, qui l’occupa deux fois entre 1870 et 1940.

Ce bastion était tombé un peu en désuétude à la fin du dix-huitième siècle mais, comme bon nombre de zones extraterritoriales, jouissait d’un statut particulier en droit français. C’est donc là que Beaumarchais, celui du Barbier de Séville et le Mariage de Figaro, a établi une presse où il pouvait éditer des textes controversés sans s’exposer à trop de risque de poursuite judiciaire. C’est ainsi que la première grande édition posthume des œuvres de Voltaire fut imprimée non en France, mais dans notre petit bourg allemand de Kehl.

C’était particulièrement drôle d’être à Kehl le 8 mai. J’ai l’impression que bon nombre de Français ignorent pourquoi le jour est férié. Ils font peut-être un amalgame entre le 8 et le jour de l’Ascension en supposant que ses origines sont religieuses, comme la plupart des fêtes de notre belle société laïque. En tout cas, j’ai souvent été étonné par le nombre de personnes même à Strasbourg, où la deuxième guerre mondiale a pesé lourd, qui apprennent avec surprise que le jour n’est pas férié en Allemagne.

‘Tu croyais donc que les Allemands fêteraient notre victoire sur leur pays ?’ je leur demande.

‘Ah bon ? Parce que c’est une victoire qu’on fête ? C’était pas le Brésil qu’on avait battu en finale en ’98 ?’

Mais ils ne sont pas bêtes ces Strasbourgeois, ils pigent vite.

‘Mais… si ce n’est pas férié chez vous, ça veut dire que les magasins sont ouverts ?’

Et ben oui. Les magasins sont ouverts à Kehl le 8 mai. Et des milliers de Français viennent s’approvisionner dans notre petit bourg.

Belle image, n’est-ce pas ? Les Français prêts à mettre à côté les difficultés d’autrefois, viennent faire des courses chez des Allemands prêts à tout oublier si ça leur permet d’alléger un peu le portefeuille de leurs visiteurs.

Avouons que des rencontres entre deux grands peuples sont mieux ainsi, commerciaux, que militaires comme à l’époque de nos grands parents. On y laisse des sous, soit, mais au moins on n’y laisse pas sa peau.

Par contre, je ne suis pas sûr que cela corresponde exactement aux idées de ceux qui ont fait du 8 mai un jour férié précisément pour commémorer la dernière fois que nous avons pu nous opposer avec succès à l’Allemagne.

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