Wednesday 19 May 2010

Pour lui, malgré eux

Un fait historique : le 8 mai, Sarko tient un discours à Colmar où il défend l’image des ‘malgré nous’, la première fois qu’un président ait même eu l’idée de parler d’eux.

Qui étaient ces malgré nous ? C’étaient des jeunes hommes comme mon oncle par alliance René qui ont été enrôlé de force dans l’armée allemande pendant la deuxième guerre mondiale. Quand l’Allemagne s’appropria – où, de son point de vue, récupéra – l’Alsace et la Moselle, elle traita ces régions non pas comme des territoires français occupés, mais comme des provinces réintégrés au Reich. Par conséquent, les habitants étaient perçus comme citoyens de l’Allemagne et donc sujet à l’obligation du service militaire allemand.

Certains l’évitèrent, mais c’étaient les familles qui payaient le prix : elles se trouvèrent souvent déportées en Allemagne et bon nombre n’en revinrent jamais. Dans le cas de René, son frère ainé était parti et la police lui avait fait comprendre que rien ne se passerait si lui faisait son service, mais s’il partait à son tour, les choses irait très mal pour la famille. Il a donc passé la guerre à la Luftwaffe, fait que je trouve personnellement ironique, étant donné qu’à la même époque mon père était dans la RAF anglaise.

René m’a expliqué qu’il a dû employer toute son habileté pour pouvoir réussir les examens que la Luftwaffe lui imposait – l’alternative était le front de l’Est – sans faire de zèle excessif. Malheureusement, il n’a pas pu entièrement éviter le front de l’Est : à la fin de la guerre, les Allemands n’avaient presque plus d’avions, ni de carburant, et donc la Luftwaffe n’avait plus vraiment besoin de malgré nous. Le pauvre René s’est trouvé à Königsberg, l’actuel Kaliningrad russe, où il a participé à la déroute des troupes allemandes, et est rentré à pied jusqu’en Allemagne où il a eu la chance de se faire prendre prisonnier par les Américains.

Dans tout cela, René et les milliers d’autres malgré nous ont été des victimes des Allemands et pas des collaborateurs, et c’est ce que Sarkozy a reconnu lors de son discours de Colmar. ‘Les "malgré nous" ne furent pas des traitres’, a-t-il dit. ‘Ceux qui n'ont rien fait pour empêcher cette ignominie perpétrée contre des citoyens français ont trahi les valeurs de la France, l'ont déshonorée. Vichy a trahi la France et l'a déshonorée.’

La sœur de René et sa fille ont été touchées par ce discours. Curieusement, René lui-même l’était beaucoup moins. Ça le laissait indifférent. J’avais voulu écrire qu’il s’en foutait comme de l’an quarante, mais en fait l’an quarante compte pour beaucoup dans sa vie, puisque c’était le début de sa transformation en malgré nous.

Je me demande si son indifférence envers les beaux mots du Président exprimait le sentiment, que je partage, que ce n’étaient que de beaux mots ? Je ne veux pas du tout dévaluer la grandeur d’âme du Président, que je trouve parfaitement égale à sa grandeur physique, mais au prix de me faire prendre pour un cynique, je ne peux m’empêcher d’exprimer quelques légers soupçons concernant ses mobiles.

Après tout, c’est un discours qui risque de faire plaisir surtout en Alsace. Dans les autres régions, peu de gens sont au courant de l’histoire des malgré nous.

Et depuis les élection régionales récentes, l’Alsace est la seule région de France métropolitaine gérée par l’UMP, le parti du Président.

Coïncidence ? Où est-ce que Sarko veut assurer ses bases dans la seule région qui lui reste loyale ?

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