Tuesday, 27 October 2009

Britanniques : hommes de terre

Si la Grande Bretagne a quelque chose de spécial à offrir au monde c’est sans doute la BBC. Et surtout les services radio de la BBC. Surtout depuis que ses meilleures émissions sont disponibles en forme de Podcast et donc téléchargeables sur l’iPod que j’écoute en salle de gym. Cela rend la torture de la gym moins affreuse et me permet de m’exercer l’esprit en même temps que le corps.

Ce matin j’ai écouté une de mes émissions préférées, In Our Time. Des experts discutent de sujets divers et variés – il y a deux semaines c’était l’affaire Dreyfus, par exemple, mais cela peut-être également la poésie ou les maths. L’émission que j’ai écoutée ce matin parlait de la géologie des Iles Britanniques. Qu’est-ce que cela m’a appris des choses, et pas seulement sur ce qui s’est passé il y a une éternité. Au contraire, j’ai eu le sentiment de voir clair tout à coup sur certains aspects de l’état des choses actuel.

Il paraît que cela ne fait pas longtemps – quelques centaines de millions d’années, si je me souviens bien – que l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Irlande du Sud étaient séparés de l’Ecosse et faisaient partie d’un supercontinent antarctique. L’Ecosse et le nord de l’Irlande se trouvaient près de l’Equateur où ils devaient connaître un climat bien plus doux qu’à tout moment depuis.

Hélas, l’Angleterre est partie à sa chasse, en traînant le Pays de Galles et l’Irlande du Sud avec elle. Elle s’est écrasée si brutalement contre Ecosse qu’elle est restée attachée, non seulement à l’Ecosse actuelle mais à la Nouvelle Ecosse aussi. Celle-ci a pu s’enfuir par la suite et traverser l’Atlantique entière, pour bien se séparer de l’Angleterre, mais la pauvre vieille Ecosse est restée prisonnière.

A l’epoque, l’Irlande, entière à ce moment-là, l’Angleterre, l’Ecosse et le Pays de Galles faisaient partie d’un autre supercontinent, mais cette fois-ci, dans l’hémisphère nord. Evidemment, cette intégration totale à l’Europe ne convenait pas à l’Angleterre, qui s’est creusée un fossé entre elle et le Continent et l’a rempli d’eau pour en faire la Manche. De cette manière, elle s’est donnée l’illusion d’être bien séparée de l’Europe, même si en réalité elle reste bien liée au Continent géologiquement.

Ce que l’Angleterre a voulu faire par rapport au Continent européen, l’Irlande a voulu le faire par rapport à l’Angleterre, avec aussi peu de réussite : la mer d’Irlande nonobstant, l’Irlande reste bel et bien rattachée à la Grande Bretagne. Par contre, l’Irlande a eu beaucoup plus de succès géologiquement qu’en politique pour garder ces liens avec le nord de l’île.

C’est curieux, n’est-ce pas, à quel point le comportement des peuples de ces îles semble exprimer la formation des îles mêmes? Ne serions-nous en fin de compte que des êtres faits de la pierre et de l’argile sur laquelle nous vivons ?

Mais ce serait dire que les Anglais ne sont que des Trolls. Et sauf lorsqu’ils sortent s’amuser au pub le vendredi soir, ils ne donnent pas de signe particulier de mériter un tel reproche.

Thursday, 22 October 2009

A la merci du Bullingdon Club

Il se passe des choses curieuses dans la Droite Anglaise en ce moment.

Elle se prépare, bien sûr, au pouvoir : à six mois près des élections, les Conservateurs ont 14 points d’avance dans les sondages. Il faut les prendre au sérieux. C’est le prochain gouvernement. Par conséquent, il devient de plus en plus intéressant de savoir à qui on a affaire.

Le leadership du parti contient plusieurs personnes dont la biographie est, pour en dire le moins, exceptionnel. Le leader même, David Cameron, son porte-parole sur les Finances, George Osborne, et le maire de Londres, Boris Johnson, se sont connus au Bullingdon Club lorsqu’ils étaient étudiants à l’Université d’Oxford. A l’intérieur de cette université, avec Cambridge la plus prestigieuse du royaume et un des hauts lieux de l’élite nationale, le Bullingdon Club représente ce qu’il y a de plus privilégié : seuls les étudiants les plus riches peuvent y accéder. On dirait la crème de la crème, sauf que ce qui flotte à la surface d’un liquide n’est pas toujours de la crème.

Les membres du Club s’amusaient à réserver des restaurants entiers – une ou deux tables, ce serait trop banal – se saouler et tout casser, en sachant qu’un des papas viendrait régler les dommages le lendemain. Osborne, qui avait fréquenté St Paul’s School à Londres, parmi les écoles les plus chères de l’Angleterre, s’est fait tabasser pour le punir de ses origines modestes par les autres membres issus des plus grandes écoles de toutes (dans le cas de Cameron et Johnson, c’était Eton).

Il y a quelques mois, ce beau monde avait décidé qu’il fallait amadouer l’Extrême Droite profondément Eurosceptique du Parti. Cameron a décidé que les élus Conservateurs du Parlement Européen quitteraientt le courant majoritaire, qui comprend entre autres les partis d’Angela Merkel et de notre grand Sarkozy, pour créer leur propre groupement. Ils se sont trouvés des alliés chez les ultranationalistes de la Pologne, de la République Tchèque et de la Latvie. Ces derniers, en particulier, appartiennent à un parti dont bon nombre des membres assistent chaque année à une fête commémorant la participation de leurs compatriotes à la Waffen SS de l’Allemagne Nazie.

Cameron s’est sans doute dit que les Institutions Européennes n’avait pas grande importance, puisqu’il n’y a que Westminster qui compte vraiment. Et ben, non.

C’est vrai que la majorité de l’électorat britannique n’a rien remarqué. Par contre, leur comportement a été repéré par quelqu’un qui compte pour bien plus que les simples concitoyens de ces politiciens subtils : Barack Obama. Ce soir, Hilary Clinton s’entretiendra avec celui qui risque d’être bientôt son homologue britannique, William Hague, porte-parole Conservateur sur les Affaires Etrangères. Et ce sera pour savoir à quoi son parti joue. Elle se demande si en se coupant de Merkel et Sarkozy, les Conservateurs ont vraiment choisi le meilleur moyen d’augmenter l’influencer britannique sur la politique Européenne. Si le prochain gouvernement aura perdu sa crédibilité en Europe, est-ce que Washington ne ferait pas mieux de se trouver un autre interlocuteur ?

Rien ne fait plus peur à un politicien anglais que le risque de ne pas se faire cajoler aux Etats-Unis. Cameron et compagnie doivent se demander s’ils n’ont pas fait une bêtise.

A Oxford, il y avait toujours papa pour régler les conséquences de leur inconscience. Mais sur qui pourront-ils compter lorsqu’ils seront au pouvoir ?

Et nous, sur qui compterons-nous ?

Sunday, 18 October 2009

L'héritage du Prince

J’ai l’impression que l’actualité politique française du moment ne parle que de ‘la polémique sur Jean Sarkozy’. Même mon journal anglais préféré, The Guardian, lui consacre deux pages ce samedi (et nous raconte que le prince Jean n’aime pas qu’on l’appelle ‘prince’ et souligne qu’il est difficile d’être le fils du président ; c’est vrai que sa naissance lui a sûrement value des obstacles majeurs à surmonter, ce qui explique la peine qu’il a à avancer à la vitesse qu’il souhaiterait dans sa carrière politique).

Est-ce qu’il y a vraiment de quoi susciter une polémique autour de Jean Sarkozy ? Est-ce que dans toute cette histoire il y a autre chose que du normal, que la preuve de vérités connues et évidentes ?

Prendre la responsabilité d’un organisme comme l’EPAD à 23 ans est tellement insolite que cela ne peut que démontrer les qualités rares de la personne en question. D’où est-ce que Jean Sarkozy tire ses talents ? Mais évidemment de Sarko le Grand dont personne ne peut assurément douter de la grandeur d’âme, l’ouverture d’esprit et l’engagement passionné envers l’intégrité et les valeurs républicaines.

Ce qui prouve donc que si le petit Prince Sarko a toutes les qualités requises pour les nouvelles responsabilités qu’on lui prépare, c’est une simple conséquence des lois de la génétique. C’est la démonstration par la pratique de principes d’hérédité connus depuis Mendel.

Ne pas accepter cette explication nous obligerait d’accepter une alternative franchement atroce. Ce serait croire que le Prince au lieu d’avoir des qualités rares, a trop rarement des qualités. Pire, ce serait croire que le Président Sarko, au lieu d’avoir le bien du pays à cœur, serait prêt à sacrifier les principes fondamentaux de l’équité qui sont le fondement d’une grande République, pour avancer les intérêts des membres de sa famille, sans rapport à leur capacité de servir la France.

Qui pourrait entretenir de tels soupçons d’un homme si évidemment prêt à se dévouer entièrement à ces concitoyens que ne l’est notre grand Président ?

Tuesday, 13 October 2009

La défense de la famille, la famille à la Défense

François Mauriac parlait de la famille comme d’une ‘cage aux barreaux innombrables et vivants’, dans Thérèse Desqueyroux, roman qui m’a bien impressionné quand j’avais quinze ans. J’ai même imposé un pèlerinage à mes parents, au fond des Landes, au hameau de Jouanhaut qui avait servi de modèle à Mauriac pour le village d’Argelouse où vivait Thérèse, et à la vraie commune d’Argelouse à côté.

Mais si pour Mauriac la famille n’était pas sans défauts, pour d’autres grand penseurs du vingtième siècle, elle était d’une importance capitale. La grande dame de fer – à la tête de bois, selon moi – Maggie Thatcher disait que la société n’existait pas, il n’y avait que des particuliers et des familles. On ne peut pas nier qu’elle se soit bien occupé de son fils : il l’a accompagné en Arabie Saoudite avec une délégation gouvernementale faisant du trafic d’armes – pardon, chargé de négocier un accord militaire – et le voyage lui a valu son premier million de livres. C’est le premier qui est toujours le plus difficile, ou du moins c’est que j’ai cru entendre, et si sa mère lui a aplani le chemin, elle n’accomplissait somme toute que son devoir maternel.

Donc je suis très content de voir que notre grand Sarko se montre aussi dévoué aux bons sentiments familiaux que la mère Thatcher. Evidemment, personne ne doute des talents remarquables de Jean Sarkozy. Après tout, il a les gènes de son père, et Dominique de Villepin nous montre bien que Sarko peut être bien gênant s’il le souhaite. Avec un fils aussi talentueux, qui pourrait reprocher à Sarko de l’avoir un petit peu pistonné, s’il l’a fait ? Quoi de plus normal que de défendre sa famille en mettant sa famille à la Défense ?

Et c’est réconfortant de savoir que si la famille ressemblait à une cage aux barreaux vivants pour la pauvre Thérèse Desqueyroux, elle a des barreaux bien en or pour d’autres.

Saturday, 10 October 2009

Symétries politiques

Je ne suis pas grand amateur de Platon – un peu trop idéaliste, à mon goût – mais comme lui j’aime bien retrouver de la symétrie dans la vie. Par conséquent, j’ai toujours trouvé séduisant le principe de Marx (le grand et ennuyeux Karl, pas le petit Groucho tellement plus savoureux) que ‘l’histoire se répète toujours deux fois : une première fois comme tragédie, une seconde fois comme comédie’. Mais si la symétrie de la répétition est satisfaisante, combien plus ne l’est la répétition de la répétition même. Je m’explique.

La citation de Marx paraît dans Le 18 brumaire de Louis Napoléon où il met en parallèle le premier Napoléon, le grand, avec le petit, son neveu Napoléon III. Or de nos jours nous assistons à la reprise de cet effet de miroir entre oncle et neveu. L’oncle était François Mitterrand, quatorze ans président de la République et dont, pourtant, je continue à me demander ‘mais – qui était-ce ?’. Les interrogations affluent dès le début de sa carrière. Homme de droite aux années 30, proche des mouvements fascisants, ou homme de gauche défenseur des principes républicains ? Collaborateur du régime de Vichy ou héros de la résistance ? Ou peut-être les deux ? Le personnage est bien opaque.

Lorsqu’il arrive à l’apogée de sa carrière, à l’Elysée, il porte l’étiquette ‘socialiste’. Mais l’était-il véritablement ? Ou est-ce qu’il se servait plutôt du parti socialiste, qu’il a su transformer pour le rendre bien plus efficace, mais aussi pour en faire le moyen de réaliser son ambition personnelle ?

Je crois que tout ce que nous pouvons vraiment dire sur François c’est qu’il était Mitterrandiste.

Le neveu, celui qui joue le rôle de Napoléon III, le rôle comique, c’est bien sûr Frédéric Mitterrand. A nouveau, que sait-on de lui ? Il a connu du succès sur plusieurs plateaux – cinéaste, écrivain, universitaire – mais jamais de réussite éclatante. Avec un certain talent, il semble démontrer, et des connexions hors pair – un oncle ancien Président, un autre ancien général – on peut aller loin.

Et en politique ? Homme de gauche, sorti du Mouvement des radicaux de gauche, ou de droite, militant et de surcroît ministre de l’UMP de notre grand président actuel ? En tout cas, comme son oncle c’est certainement quelqu’un qui suscite des débats. Comme pour confirmer le jugement de Marx, cependant, si pour l’oncle il s’agissait de questions nobles – la nature de la République, le Socialisme, la Résistance ou la collaboration – pour le neveu c’est un peu plus terre à terre. Est-ce qu’un de ses romans justifie le tourisme sexuel ? Quels sont exactement ses mobiles pour défendre avec tant d’acharnement Roman Polanski accusé du viol d’une mineure ? Pourquoi défend-il son filleul et un complice accusé du viol d’une jeune de seize ans ? C’est comique parce que c'est ridicule, même s'il ne s'agit que de comédie sans finesse, dont on ricane plus qu’on ne rigole.

Cependant, derrière tout cela un fil conducteur important relie le neveu à son oncle. Comme Napoléon III était aussi Bonapartiste que son oncle, il me semble que Frédéric est aussi Mitterrandiste que le sien.

Napoléon I et Napoléon III. François et Frédéric. Au moins de ces tristes histoires nous pouvons tirer de quoi satisfaire le goût si humain de la symétrie.

Thursday, 8 October 2009

Rien ne vaut la sincérité

Nous vivons des moments curieux en Angleterre. Nous avons un gouvernement qui n’a pas trop mal géré la crise : nous nous en sortons petit à petit, au prix d’une dette publique faramineuse, mais en ménageant un peu la croissance du chômage et de la misère.

Le NHS, malgré ses problèmes, se porte bien mieux que depuis des décennies, et j'en suis particulièrement conscient, ayant travaillé dans ce domaine depuis 25 ans.

Même pour l’éducation où il me semblait que le gouvernement n’avait pas eu de succès particulier, une étude récente faite pour le gouvernement écossais montre qu’en terme de réussite scolaire, l’Angleterre progresse fortement depuis dix ans tandis que l’Ecosse peine un peu.

Donc des succès certains et concrets.

Et pourtant l’électorat s’apprête à se débarrasser du pauvre Gordon Brown. La raison ? Son manque de sincérité, sa poursuite interminable de petites victoires en relations publiques. Et on veut le remplacer par qui ? Par David Cameron qui est un professionnel des relations publiques.

Et pourtant Cameron et son parti Conservateur a décidé de faire preuve, cette semaine, lors du congrès du parti, d’une sincérité toute neuve. Ils ont étalé un programme d’économies, de réductions de droits, d’augmentation d’impôts. Ils ont même annoncé leur souhait d’augmenter d’un an l’âge de la retraite.

C’est curieux, n’est-ce pas ? Ces experts des relations publiques ont annoncé un programme complètement négatif.

Quelle belle ironie si un gouvernement auquel on reproche le manque de sincérité profitait de l'excès de sincérité de la part de l’opposition.

Saturday, 3 October 2009

L'Irlande décide

L’Irlande vote!

Il faut dire que ce n’est pas très passionnant comme titre. Après tout, quand est-ce qu’ils ne votent pas, ces Irlandais ? Maîtres de la parole, avec des écrivains, des poètes, des dramaturges de tout premier ordre, si on peut leur reprocher un tout minime défaut, c’est peut-être d'en faire un usage un tout petit peu excessif.

Il paraît que c’est un défaut qui les marque également en politique, où on n’arrête pas de les consulter. Et le pire est que nous autres, 497 millions de citoyens non-Irlandais de l’Union, continuons à les écouter, inquiets et incertains. Notre sort en tant qu’Union dépend de ces trois millions auxquels il faut toujours poser la question deux fois pour qu’ils trouvent la bonne réponse.

Le pire ? S’ils répondent enfin ‘oui’ il faudra attendre la réponse des Tchèques. Dix millions qui tiendront à leur tour le destin de l’Europe entre leurs mains. Et s’ils ne se décident pas vite, les Conservateurs seront à nouveau au pouvoir en Grande Bretagne, et ils ont promis un référendum ici. 500 millions attendront l’avis de 60.

C’est une position intenable. Nous avons très besoin du traité de Lisbonne, ou encore mieux d’une vraie constitution qui mette fin à cette farce de l’unanimité où un seul pays – ou un pays après l’autre, à tour de rôle – peut remettre en question l’avenir de tous les autres. Quel dommage que Giscard d’Estaing, grand amateur de princesses, se soit montré si amateur tout court en question de construction de Constitution.

Le traité de Lisbonne nous permettra de prendre un nouveau pas vers une véritable structure. Du moins si les Irlandais ont vraiment dit oui, comme les premières informations semblent indiquer. Et les Tchèques ne se font pas trop attendre.

Mais si on y arrive, un jour, à une vraie Constitution, je voudrais proposer d’ores et déjà, un amendement important. Le nombre de votes devra toujours correspondre au nombre d’états membres, plus un.

Chaque pays aurait un vote.

Et l’Irlande en aurait un deuxième pour corriger la mauvaise réponse donnée par le premier.