Thursday, 26 November 2009

Carla, la nouvelle Keaton

Donc Carla Bruni va tourner un film avec Woody Allen. Cela m’a tout de suite fait penser à Play it again, Sam.

C’est le film où Diane Keaton, convoitée par Woody Allen, est la femme d’un monomaniaque, complètement obsédé par sa carrière, qui passe tout son temps à négocier des deals et ne permet jamais aux émotions de contrecarrer son progrès professionnel. C’est d’ailleurs cette obsession de la part du mari qui donne sa chance à Allen.

Il me semble que Bruni possède toutes les qualités pour recréer ce rôle. Sauf, peut-être, que le mari se révèle à la fin assez sympathique. Et en plus semble relativement satisfait de sa taille (taille d’ailleurs légèrement plus que présidentielle). Mais ce sont des questions de détail, sans grande importance.

Par contre, il reste une objection dure à surmonter. Diane Keaton avait du talent.

Ceci dit, par quel droit remettrai-je en question l’épouse de notre grand président ? Je n’ai qu’à lui souhaiter toute la réussite qu’elle mérite et d’aller, le moment venu, l’applaudir avec fougue au cinéma du coin.

Wednesday, 25 November 2009

Manchester, la vraie, et les miracles du foot

Dans dix jours j’assisterai pour la première fois de ma vie à un match de foot professionnel. C’est quelque chose que j’ai évitée depuis 56 ans, mais on n’est jamais à l’abri de nouvelles expériences. Surtout quand on a un excellent ami qui, en s’approchant de la soixantaine, a décidé contre toute évidence antérieure, qu’il est fanatique du foot. Et, en plus, fanatique de Manchester City, malgré ses origines irlandaises.

J’ai bien dit ‘Manchester City’. C’est l’autre équipe de Manchester. Ou, plutôt, Manchester United est l’autre équipe. Depuis quelques mois, City réclame pour lui seul le statut de ‘cœur de la ville’. Cela rend furieux Alex Ferguson, l’entraîneur mythique de Manchester United, l’autre équipe, qui évolue en banlieue (quartier de Trafford). Plus cela embête Ferguson, plus City le répète.

L’ami en question m’a invité à aller voir City jouer contre Chelsea. Ça va être sans doute magnifique, une rencontre entre géants du foot anglais. Du côté City, nous verrons des joueurs dont la consonance du nom trahit les racines profondes dans la ville : Roque Santa Cruz, Nigel de Jong et, bien sûr, Carlos Tevez. Du côté Chelsea, il y aura de grands Londoniens tels que Salomon Kalou, Florent Malouda et Nicolas Anelka. L’équipe de Roman Abramovich fera face à celle de Khaldoon Al Mubarak pour créer un grand festival du sport anglais.

Evidemment, ce que je recherche le plus dans ce match c’est le côté surnaturel. J’ai compris que de temps en temps il se passe des incidents miraculeux sur la pelouse. En 1986, nous avons vu la première intervention de la main de Dieu dans un match international, quand un Saint moderne, Diego Maradona, a poussé de la main la balle au fond du filet anglais en quart de finale de coupe du monde ; et la semaine dernière, c’était la main de Dieu numéro 2, celle de Thierry Henry qui a assuré que la France, plutôt que l’Irlande, participerait à l’édition 2009 de la coupe en Afrique du Sud.

En fait, ce n’est pas ces mains que je trouve miraculeuses. C’est plutôt le miracle des yeux qui me laisse bouche bée. Je ne sais pas où ils les ont, les arbitres, leurs yeux, mais ce n’est certainement pas en face des trous.

Moi j’ai toujours préféré le rugby. Qu’est ce qui empêche le foot de faire comme le rugby et faire appel à la technologie, c’est-à-dire la télé, pour suppléer au sens défaillants des arbitres ? Cela me reste incompréhensible.

Mais je suis sûr que malgré tout cela je vais me régaler le 5 décembre, au City of Manchester Stadium (vous voyez ? ‘City of Manchester’ ? On se distingue bien des banlieusards de ‘Old Trafford’). Je vous tiendrai au courant.

Saturday, 21 November 2009

Souvenirs de philosophes

A la radio anglaise l’autre jour j’ai entendu parler Anthony Grayling. Il m’a fait penser à Birkbeck College, l’une des composantes de l’Université de Londres – composante particulièrement importante, puisque j’y ai fait mes études – où il occupe la chaire de Philosophie.

Un de mes amis de fac, étudiant de français comme moi, avait choisi la philosophie comme matière secondaire. Or Birkbeck College se trouve dans un quartier magnifique de Londres, Bloomsbury, le quartier du British Museum et le centre d’un cercle intellectuel d’avant la guerre, le ‘Bloomsbury Set’, qui comptait parmi ces membres les écrivains Virginia Wolf et E.M. Forster et l’économiste John Maynard Keynes – celui dont heureusement on a retrouvé les principes pour faire face à la crise actuelle : sans l’approche Keynesienne que toutes les principales économies ont adoptée, la récession durerait encore plus longtemps et serait encore plus profonde qu’elle ne risque de l’être.

Birkbeck est devenu trop grand pour son bâtiment principal. Certaines sections ont dû déménager dans des maisons du quartier, ces magnifiques maisons des années vingt, grandes, élégantes, la blancheur de la façade bien relevé par le fer forgé noir. La section de philosophie s’était retrouvée dans une maison à quatre étages où chacun des quatre professeurs occupait le sien, organisé en ordre inverti de l’importance hiérarchique : le plus jeune tout en haut, le chef de section au rez-de-chaussée.

Mon ami suivait des cours avec le jeune. Il s’habillait en jeans et veste de
velours. C’était l’époque où les fumeurs n’étaient pas encore devenus les lépreux contemporains ; le prof exigeait que tout étudiant fumeur laisse ses cigarettes et son briquet sur la table devant lui. Il tournait sans cesse dans la salle et à chaque fois que l’envie de fumer le prenait, il s’arrêtait devant un étudiant fumeur et se servait.

Pendant plusieurs semaines, il avait parlé de Descartes, annonçant à la fin que la semaine suivante se serait au tour de Spinoza. Les étudiants étaient donc surpris quand, au prochain cours, le prof s’est remis à parler de Descartes. Après vingt minutes, une étudiante l’a interrompu.

‘Ce n’est pas plutôt de Spinoza qu’il s’agit ?’

Il s’est arrêté et s’est pris la tête dans les mains. Après réflexion, il a répondu, ‘Quand je dis Descartes, je veux dire Spinoza. Et quand je dis Spinoza je veux dire Descartes. Sauf quand, en disant Descartes, je veux vraiment dire Descartes,’ et a continué son cours.

Pour ma part j’avais choisi la littérature italienne en matière secondaire, et je reste toujours content de mon chois, mais c’est quand même avec un certain regret de ne pas avoir connu ce style très particulier d’enseignement.

Sunday, 15 November 2009

Muscat aujourd’hui, Hyères demain

C’est curieux qu’il faut parfois aller bien loin pour trouver des gens de chez soi. Je suis actuellement à Muscat, en Oman, où je dois faire une présentation à un tout petit colloque. Ce soir, c’était l’apéritif de réception. J’avoue que je m’ennuyais à mort. Il fallait écouter, en souriant, des gens qui ne me disaient strictement rien tout en me disant beaucoup trop. Je voulais leur crier, ‘je suis là pour vous parler, pas pour vous écouter ; fichez-moi la paix pour l’amour de Dieu.’

Et puis tout à coup j’ai entendu des gens parler Français, et de surcroit rigoler. C'était frappant : dans les pays du Golfe (on n’a plus le droit de dire ‘Golfe Persique’) on entend presque exclusivement l’Arabe et l’Anglais. Mais voilà qu’on s’amusait à côté de moi, et en Hexagonal.

Je me suis approché pour voir ce qui se passait. C’était des gens de l’hôpital d’Hyères. J’étais ravi de faire leur connaissance. C’est un contact que je vais cultiver autant que possible : ça fait des années que j’ai l’ambition de lancer un jour un projet d’informatisation hospitalière sous le titre ‘informatiser l’hôpital d’Hyères, aujourd’hui et demain.’

C’est une occasion de réaliser un vieux rêve. A ne pas rater.

Et le reste de la soirée n’a pas été perdu non plus. L’hôtel passait le match de rugby Irlande-Australie sur écran géant (ça s’est soldé par un match nul, résultat peu commun en rugby, avec deux essais par équipe – un beau match). En prenant l'air de quelque qui part chercher la toilette ou un verre de vin, j'ai pu aller m'installer devant l'écran et passer une partie de la soirée de façon bien plus agréable que je ne l'avais espéré.

Vous me direz que ce n’était pas la peine de faire quatorze heures de voyage pour voir un match que j’aurais bien pu regarder à la télé chez moi ; je vous répondrais que là-bas je n’aurais pas pu le faire à l’extérieur, au mois de novembre, en écoutant les vagues sur la plage et les cigales dans les palmiers.

Ça sert à quelque chose, ces congrès internationaux.

Thursday, 12 November 2009

Sarkozy: le soulagement

Quel soulagement. Les choses reviennent dans les normes.

L’histoire de Jean Sarkozy et sa candidature à la présidence de l’EDAP ne me choquait pas plus que ça pour ce qui concernait l’accusation de népotisme. Après tout, dans les systèmes monarchiques, la famille est tout – et il n’y a pas plus monarchique que Sarko le Grand. Ici en Angleterre, pays plus ouvertement royalistes (et cela ne concerne absolument pas la candidate vaincue des dernières présidentielles), personne ne s’inquiète si le Prince Untel se trouve Directeur de société dans un secteur dont il ne sait strictement rien, ou la Princesse Unetelle est projetée automatiquement à la tête d’une équipe nationale d’un sport ou un autre.

Par contre, dans un tel système nous respectons un principe fondamental : la primogéniture.

Par exemple, tout le monde ici adore le prince Harry – celui dont la paternité reste toujours plutôt douteuse – mais nous savons que celui qui compte vraiment, qui recevra le plus de sous du contribuable et qui héritera un jour de la couronne, c’est l’ainé, William.
Donc cela me troublait que Sarko s’occupe tant de son fils cadet. Et l’ainé, me disais-je ? Le prince, le vrai, c’est lui, pas petit Jean.

C’est pour cela que j’ai appris avec tant de soulagement la peine que se donnait l’Elysée pour Pierre, petit Prince lui aussi, mais le grand petit Prince. Celui, bref, dont un vrai père monarque comme le grand Sarko devarit s’occuper avant tout autre.

Les choses reviennent donc dans l’ordre. Je dors bien mieux la nuit.

Monday, 9 November 2009

Chute du Mur, chute des illusions

C’est dommage de gâcher ce qui devrait être un moment de joie, le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin. Et pourtant, il y a quelques semaines, ici en Angleterre nous avons vu la publication de documents provenant des archives de Mikhail Gorbatchev. Les documents relatent les discussions entre les gouvernements anglais et français et les Sovétiques deux mois avant la chute du mur.

Nous lisons, par exemple, ces mots de Madame Thatcher à Gorbatchev : ‘Nous ne voulons pas d’une Allemagne unifiée. Cela changerait les frontières de l’après-Guerre et nous ne pouvons pas le permettre puisque une telle évolution remettrait en cause la situation internationale entière et pourrait mettre notre sécurité en péril.’ Et un peu plus tard, ‘Vous encouragez chaque pays à se développer à sa façon, à condition que le Pacte de Varsovie reste en place. Je comprends parfaitement cette position.’

Madame Thatcher ‘comprend’ la préservation du système du Pacte de Varsovie ? Un système ‘communiste’ ? un système profondément oppressif ? un système qui contraignait par la menace de la force les pays subordonnés à accepter la mainmise soviétique ? Et Thatcher semblait préférer ce système à la réunification allemande, démocratique voire profondément souhaitée par le peuple.

Les Français n’étaient guère mieux. Jacques Attali, conseiller de François Mitterrand, Président à l’époque, fait savoir que ‘la France ne souhaite certainement pas la réunification de l’Allemagne, même si elle sait qu’à la longue elle est inévitable.’ Plus éclairé que Thatcher, il accepte l’inévitabilité de la réunification, mais sans enthousiasme.


Français ou Anglais, de droite ou de gauche, les deux gouvernements ont en commun une préférence machiavélique de la raison d'état aux principes et une déloyauté profonde envers un allié supposé. Heureusement l'Allemagne Fédérale n’était pas du tout dupe : le ministre des Affaires Etrangères allemand de l’époque, Hans-Dietrich Genscher, a fait savoir que son gouvernement était bien au courant de l’opposition des Anglais et des Français, mais n’en était pas particulièrement perturbé, étant donné qu’il pouvait compter sur l’appui des Etats-Unis. La France et la Grande Bretagne sont plus proches, mais elles ne pèsent pas très lourd dans la balance…

Donc en regardant tous les hommes d’état se féliciter de la chute du mur et de la réunification de l’Allemagne dans la paix et la démocratie, n’oublions pas que leurs prédécesseurs prenaient une position bien différente – en réalité et en secret. Est-ce que les hommes politiques actuels se seraient mieux comportés ?

L’Allemagne est à nouveau unifiée. Mais cette histoire peu édifiante nous fait comprendre que l’unification suivante, celle de l’Europe, risque de se faire attendre encore un petit moment.

Thursday, 5 November 2009

Conservateurs autistes

On est très choqués en Angleterre par les propos tenus dernièrement par Pierre Lellouche, le secrétaire d'Etat français chargé des Affaires européennes. Très, très choqués. Monsieur Lellouche a eu la témérité de traiter nos admirables Conservateurs britanniques, dans un interview avec le Guardian, de ‘pathétiques’. Il a même fait allusion à leur ‘autisme’.

C’est vrai que les Conservateurs ont réagi à la signature Tchèque du Traité de Lisbonne en annonçant qu’ils tenteraient de renégocier certains aspects des relations entre la Grande Bretagne et l’UE, comme si les 26 autres pays n’avaient rien de mieux à faire. Ceci après leur décision de quitter le courant majoritaire au parlement européen, pour en créer un nouveau avec, entre autres, un parti Latvien dont certains dirigeants ne trouvent rien de mieux que d’assister chaque année à la commémoration de leurs compatriotes morts au service de la Waffen SS pendant la deuxième guerre.

Pour ma part, je trouve que les Conservateurs veulent nous rendre un énorme service avant de former, presque certainement, un gouvernement l’année prochaine. Ils ont vu tout l’espoir que Blair a suscité en arrivant au pouvoir, avant de nous décevoir cinq ans plus tard au moment de la guerre de l’Irak. Obama a également soulevé des espoirs démesurés qui s’évaporent déjà, une seule année depuis son élection. Les Conservateurs savent que ce sentiment d’espoir trahi est particulièrement dur à supporter, et ont donc décidé de nous décevoir dès maintenant, avant même de gagner les élections. Ils ont compris que cette sorte de déception par anticipation risque d’être bien moins intense que celle qui suit un passage par l’optimisme comme nous en avons connu avec Blair ou Obama.

Il me semble par conséquent que Monsieur Lellouche a commis une erreur importante en sortant sa déclaration. Il devrait trouver une façon plus tempérée de s’exprimer. Je trouve que l’allusion à l’autisme et particulièrement mal placée. Après tout, même si beaucoup sont très difficiles, il y a des enfants autistes avec de grandes qualités et souvent de grands talents.

Faire le parallèle entre eux et les dirigeants actuels du Parti Conservateur me semblent nier complètement leur vrai mérite.

Monsieur Lellouche devrait s’excuser d’avoir tenu des propos si injustes envers les autistes.

Monday, 2 November 2009

Mesrine : anniversaire troublant

Aujourd’hui, il y a trente ans, Jacques Mesrine est mort. La police qui l’attendait à la porte de Clignancourt, a criblé sa voiture de coups de feu, abattant ainsi celui qui était devenu l’ennemi public numéro 1 de la France. De cette façon, ils débarrassaient la France d’un grand problème mais en créaient un autre, d’ordre moral, pour ceux comme moi qui sont foncièrement opposé à la peine de mort.

Malgré les films qui ont voulu faire de Mesrine une sorte de Robin des Bois moderne, il n’était au fond qu’un truand capable d’une grande brutalité, voire d’une cruauté étonnante. Evidemment, le Robin des Bois historique n’était peut-être pas mieux que Mesrine, mais Robin avait au moins le mérite de ne pas avoir sans doute existé, tandis que Mesrine avait le défaut d’une existence à laquelle l’action policière avait mis fin, à la grande joie de tous ceux qui avait souffert à ses mains.

Car, quoiqu’en dise la police qui a bien sûr toujours tout nié, ce qui s’est passé à la Porte de Clignancourt à 15h15 le 2 novembre 1979 m’a toujours semblé plutôt une exécution qu’une tentative d’arrestation. Et je suis profondément convaincu de l’immoralité de la peine de mort. Et pourtant ce jour là j’ai partagé un sentiment de soulagement avec la plupart des Français.

Mais qu’est-ce nous serions ennuyeux, n’est pas, nous les êtres humains, sans toutes nos contradictions ?

Sunday, 1 November 2009

De beaux jours pour les valeurs républicaines

On vient de vivre dix bons jours pour les valeurs républicaines. Il faut en profiter : ça n’arrive pas aussi souvent qu’on pourrait penser.

Il s’agit de valeurs qui sont très mal assis partout, autant dans les pays qui se veulent républiques, comme la France, que dans ceux qui s’accrochent aux vestiges d’un système monarchique, comme la Grande Bretagne. La tentation monarchique est aussi forte chez ceux-là que chez ceux-ci. Songeons à Mitterand et son double septennat, la longueur d’un règne tout à fait honorable, ou à Giscard d’Estaing et ses attitudes plus royalistes que le roi, et certainement tout aussi impérialistes que son cousin Bokassa I de l’Empire Centrafricain.

En France, on a frappé un coup dur contre le principe royaliste de l’héritage du pouvoir, lorsque le petit Prince Jean Sarkozy a renoncé de suivre son papa, notre président de taille Sarko Ier, à la tête de l’organisme qui gère le quartier de la Défense. Et la décision de poursuivre en justice Jacques Chirac est un coup contre l’impunité royale dont veulent se doter les présidents de notre époque (je pense à Richard Nixon qui déclarait que ‘si le président le fait, c’est légal’).

La plus grande offensive contre les hommes d’état qui se croient au-dessus des lois est en train de se dérouler en Italie, où notre chère Berlusconi a perdu l’immunité qu’il avait fait voter par son parlement.

C’est curieux. Parler de Berlusconi me fait penser à nouveau à Giscard : ce sont deux vieillards qui se font des fantasmes sur des jeunes femmes. Berlusconi arrive à vivre les siens, tandis que Giscard se limite à les mettre dans les pages d’un roman. Berlusconi s’en prend à des femmes vivantes (professionnelles ou volontaires), tandis que Giscard semble épris d’une femme morte depuis douze ans. Le fantasme est cependant le même, et je n’arrive pas à décider chez lequel des deux il est le plus malsain.

La plus grande victoire récente contre l’esprit monarchique ne concerne ni la France, ni l’Italie, mais la Grande Bretagne. On pourrait croire que ce pays n’avait gardé de la monarchie que sa forme, puisque la reine ne règne pas, c’est un gouvernement élu qui gouverne. Cependant, ce que la plupart même des Anglais ignore, c’est que l’autorité royale, si elle n’est plus détenue par la reine, est exercée par les ministres en son nom et à sa place. Donc si Blair a permis au parlement de débattre de la guerre en Irak, il n’était pas obligé de le faire. Son gouvernement avait le droit, sans référence à quiconque, de lancer un pays qui s’y opposait avec acharnement dans une guerre que presque tout le monde s’accorde aujourd’hui à qualifier d’illégale. Au moment des débats aux Nations Unies sur une résolution qui aurait autorisé l’action, le centre des renseignements britannique à Cheltenham a reçu la consigne d’obtenir des informations personnelles sur les membres de Conseil de Sécurité, dans l’espoir de leur faire de la pression pour adopter la résolution. Du chantage pour justifier une agression. Les couches de comportement criminel s’entassent.

J’avais plus ou moins abandonné tout espoir que Blair ait jamais à s’expliquer devant des juges sur son action illégale, qui a coûté la vie à entre 100,000 et un million d’Irakiens (l’incertitude est la suite du refus des pays de la Coalition de compter les morts civils). Mais j’étais au désespoir de penser qu’il pouvait être honoré de la première présidence du Conseil d’Europe. Heureusement l’intervention de Merkel, de Sarkozy et de Zapatero semble avoir mis fin à cette honte monstrueuse. Blair restera citoyen privé.

Et, qui sait, l’exemple de Chirac et de Polanski montre qu’il n’est peut-être pas à l’abri de la justice. Je n’ai jamais compris pourquoi un vieillard mérite d’être mieux traité parce qu’il a fait des films médiocres, ou a dirigé un gouvernement médiocre, pendant que d’autres vieillards pourris ou pédophiles ont à subir les conséquences pénales de leurs actions.

Blair devant des juges à la Haye ? Alors là, vraiment, on pourrait dire que les valeurs républicaines avaient obtenu une victoire fameuse.